Furia Azteca
communauté
capable de se suffire à elle-même ?
- Je crois. Ce sont tous des paysans, mais il y en a parmi eux qui sont aussi maçons, pl‚triers ou charpentiers. Toutefois, ils se plaignent d'une chose : ils n'ont pas de prêtres parmi eux.
- Je n'ai jamais vu une communauté s'installer quelque part sans qu'aussitôt une multitude de prêtres surgisse d'on ne sait o˘, exigeant d'être bien nourrie, crainte et respectée. "
Cependant, je prévins le palais et on nous attribua six ou sept tlamacazque novices, si jeunes que leur robe noire n'avait pas eu le temps de s'imprégner de sang et de crasse.
Je franchis la chaussée de Tenochtitl‚n avec Béu et Nochipa la veille du jour fixé pour le grand départ et nous pass‚mes la nuit à Ixtapalapan. Je me présentai, donnai l'ordre d'être prêt à partir aux premières lueurs 762
de l'aube et vérifiai que les chargements étaient équita-blement répartis entre tous. Mes quatre sous-officiers rassemblèrent les soldats tecpaneca et je les passai en revue avec ma topaze, ce qui suscita des sarcasmes étouffés dans les rangs. A partir de ce jour, les soldats m'appelèrent entre eux Mixteloxixtli, astucieuse combinaison de mots qui pourrait se traduire grossièrement par Mixtli à l'oil d'urine.
Les civils durent certainement me donner des surnoms encore moins flatteurs, car leurs griefs étaient nombreux, le principal étant qu'ils n'avaient jamais voulu émigrer. Motecuzoma avait omis de me dire que ce n'étaient pas des volontaires mais un " surplus de population " ramassé par ses troupes. Ces gens avaient, à juste titre, l'impression d'avoir été
injustement bannis. Les soldats étaient tout aussi mécontents ; ils n'appréciaient pas ce rôle de gardiens qu'on leur faisait jouer et rechignaient à partir si loin de Tlacopan, non pas vers quelque champ de bataille glorieux, mais vers une monotone garnison. Pour toutes ces raisons, j'appréhendais fort que le commandant Mixtli Oil d'urine ne soit en butte à des mutineries et à des désertions.
Moi aussi, j'ai souvent eu envie de déserter. Les soldats, au moins, savaient marcher, mais les civils traînaient, s'égaraient ; ils avaient mal aux pieds, ils boitaient, ils grognaient, ils pleurnichaient. Il y en avait toujours un qui avait envie de se reposer. Les femmes demandaient sans cesse à s'arrêter pour donner le sein à leurs enfants. Les prêtres devaient faire halte à heure fixe pour adresser des prières à tel ou tel dieu. quand j'imposais une allure rapide, les paresseux se plaignaient que j'allais les tuer. quand je ralentissais pour faire plaisir aux traînards, les autres prétendaient qu'ils seraient morts de vieillesse avant d'arriver à
destination.
La seule chose qui rendait mon voyage agréable, c'était la présence de Nochipa. Tout comme sa mère à son premier voyage, Nochipa s'extasiait joyeusement deyant chaque paysage nouveau. Elle trouvait toujours quelque chose qui lui réjouissait les yeux et le cour. Nous suivions la principale route de commerce du sud qui traverse des endroits magnifiques, mais trop connus
763
pour Béu, mes sous-officiers et moi. quant aux émi-grants, ils étaient incapables de se passionner pour autre chose que leurs malheurs personnels.
Même si nous avions parcouru les étendues désolées de Mictl‚n, je crois que Nochipa les aurait trouvées merveilleuses.
Parfois, elle se mettait à chanter sans raison apparente, comme un oiseau et, comme ma sour Tzitzitlini, elle avait récolté à l'école de nombreux lauriers pour ses talents à chanter et à danser. quand elle chantait, même les plus grincheux cessaient un moment de geindre pour l'écouter. quand elle n'était pas trop fatiguée par la longue journée de marche, elle éclairait notre sombre nuit en dansant après le repas du soir. Un de mes vieux soldats l'accompagnait à la fl˚te et ces soirs-là, les gens allaient se coucher sur le sol raboteux en gémissant un peu moins qu'à l'ordinaire.
Pendant cet ennuyeux voyage, je fus frappé par un seul incident. Un soir, je m'étais un peu éloigné du campement pour me soulager contre un arbre et, un moment après, j'aperçus Béu - sans qu'elle me vît - en train d'accomplir une t‚che singulière. Elle était agenouillée devant ce même arbre et ramassait la boue formée par mon urine. Je pensai qu'elle voulait préparer un cataplasme pour quelque ampoule ou quelque cheville foulée et je ne lui posai jamais de questions à ce
Weitere Kostenlose Bücher