Furia Azteca
mon Seigneur m'ordonne de mener une expédition militaire, protestai-je, au mépris de tout protocole. Si ce n'est pas un ch‚timent, c'est bien un bannissement et je n'ai rien fait.
- Chevalier Mixtli, coupa-t-il, ce commandement que je te donne est une sorte d'expérience. Tous les présages annoncent que les envahisseurs viendront du sud. Il faut donc renforcer nos défenses de ce côté. Si ton expédition réussit, j'enverrai d'autres chevaliers avec d'autres convois d'émigrants dans cette région.
- Mais, Seigneur, insistai-je, je n'ai aucune qualité dans ce domaine.
- Je n'en avais pas, moi non plus, jusqu'à ce qu'on me prie de faire exactement la même chose dans le Xoconochco. " Je ne pouvais pas le contredire, en ayant été un peu responsable. Il poursuivit : " Tu emmèneras avec toi une quarantaine de familles, environ deux cents personnes, hommes, femmes et enfants. Ce sont des paysans sans terres. Tu les établiras dans le sud et tu veilleras à ce qu'ils b‚tissent un village convenable et bien défendu. Voici l'endroit que j'ai choisi. "
II me montra une carte que j'avais moi-même tracée, mais la région qu'il indiquait était vide car je n'y avais pas pénétré.
" Seigneur Orateur, c'est sur le territoire des Teohua-cana. Je ne sais pas s'ils apprécieront d'être envahis par des étrangers.
- Ton vieil ami Nezahualpilli nous a conseillé de 758
lier amitié avec nos voisins, n'est-ce pas ? Une de tes t‚ches consistera à
convaincre les Teohuacana que tu es venu avec de bonnes intentions et en farouche défenseur de leur pays, comme du nôtre.
- Oui, Seigneur, fis-je tristement. . - L'Orateur Vénéré Chimalpopoca de Tlacopan a la bonté de te fournir une escorte armée. Tu auras sous tes ordres un détachement de quarante soldats tecpaneca.
- Pas même des Mexica ? balbutiai-je. Mais, Seigneur Orateur, jamais des soldats tecpaneca n'obéiront à un chevalier mexicatl. "
II le savait aussi bien que moi ; c'était pure perversité de sa part, une façon de me punir d'avoir été l'ami de Nezahualpilli.
" Les soldats te serviront de protection pendant le voyage et ensuite, ils resteront dans la forteresse que tu construiras. quant à toi, tu demeureras sur place jusqu'à ce que les familles soient complètement installées. Cette colonie s'appellera Yanquitlan, l'Endroit Nouveau.
- Puis-je au moins recruter quelques bons vétérans pour être mes sous-officiers, Seigneur ? " hasardai-je. Je savais qu'il aurait immédiatement refusé si je n'avais ajouté : " Ce sont de vieux soldats qui ont été mis à
pied en raison de leur ‚ge. "
II renifla d'un air méprisant et me dit :
" Si tu as besoin de guerriers supplémentaires pour te sentir en sécurité, tu n'auras qu'à les payer de ta poche.
- Bien s˚r, Seigneur ", m'empressai-je de répondre. Pressé de partir avant qu'il ne change d'idée, je m'inclinai en murmurant : " L'Orateur Vénéré at-il d'autres ordres à me donner ?
- que tu t'en ailles sur-le-champ. Les soldats et les familles sont en ce moment à Ixtapalapan. Je veux qu'ils arrivent à temps à Yanquitlan pour les semailles de printemps. Fais ce que je te dis.
- Je pars immédiatement ", lui dis-je et, traînant les pieds à reculons, je sortis de la salle du trône.
Bien que ce f˚t par pur esprit de vengeance que Motecuzoma m'avait confié
cette mission, je n'avais pas trop
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le droit de m'en plaindre puisque c'était de moi que venait, au départ, cette idée de colonisation. De plus, pour être honnête, je commençais à me lasser de la vie oisive d'homme riche que je menais et je hantais la Maison des Pochteca à l'aff˚t d'une affaire extraordinaire qui m'appellerait au loin. En fait, j'aurais bien accueilli cette expédition si Motecuzoma ne m'avait pas intimé l'ordre de rester sur place jusqu'à ce que les colons soient parfaitement installés. Je risquais d'être bloqué là pour une année, sinon davantage. quand j'étais plus jeune et que mes chemins et mes jours me semblaient infinis, je ressentais moins le temps perdu, mais j'avais quarante-deux ans et je haÔssais l'idée de consacrer une des années qui me restaient à vivre à accomplir une t‚che monotone dans un village sinistre alors que, peut-être, des occasions plus enthousiasmantes pourraient se présenter.
Je préparai néanmoins cette expédition avec le plus grand soin et je fis d'abord venir tous les membres de ma maisonnée pour les mettre au courant de ma mission.
"
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