Furia Azteca
sujet.
Cependant, il faut que je vous dise, mes révérends, que chez nous il y a des femmes, de vieilles femmes en général - vous les appelez des sorcières
- qui connaissent des pratiques secrètes. Une de leurs spécialités consiste à fabriquer une effigie grossière d'un homme avec la boue d'un endroit o˘
il a uriné. Ensuite, elle jette des maléfices sur cette poupée et l'homme est alors atteint de douleurs inexplicables, de maladie, de folie, d'amnésie ou bien encore il perd tous ses biens. Comme je n'avais aucune raison de croire que Béu avait été une sorcière toute sa vie sans que je m'en sois aperçu, je pensai que c'était une simple coÔncidence et je n'y pensai plus.
Vingt jours après notre départ de Tenochtitl‚n - il en aurait fallu douze pour un marcheur aguerri et peu chargé - nous arriv‚mes au village de Huajuapan que
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je connaissais depuis longtemps. Après y avoir passé la nuit, nous obliqu
‚mes vers le nord-est, sur une petite route qui était nouvelle pour tout le monde. Le chemin serpentait à travers d'agréables vallées verdoyantes et de jolies montagnes bleues, peu élevées, en direction de la capitale, Tya Nya ou Teohuacan. Après quatre jours de marche, nous nous trouv‚mes dans une vallée très dégagée o˘ un gué traversait un cours d'eau large, mais peu profond. Je pris un peu d'eau dans ma main pour la go˚ter. qual‚nqui s'approcha de moi et me demanda : " qu'en pensez-vous ?
- Elle n'est ni amère, ni chaude, ni malodorante. C'est de l'eau potable et elle pourrait servir à arroser ces terres qui paraissent riches. Je ne vois aucune habitation, ni aucune culture. Je crois que c'est l'endroit idéal pour fonder notre Yanquitlan. Allez le leur dire. "
qual‚nqui se retourna et se mit à hurler :
" Posez vos paquets. On est arrivés !
- qu'ils se reposent aujourd'hui. On se mettra au travail demain.
- Demain, s'écria un prêtre à côté de moi, après-demain et après après-demain seront des journées réservées à la consécration de la terre. Avec votre permission, bien entendu.
- C'est la première colonie que je fonde, jeune seigneur prêtre, je n'ai pas l'habitude de toutes ces formalités. Faites tout ce que demandent les dieux. "
Oui, c'est exactement les paroles que j'ai prononcées, sans penser qu'elles seraient considérées comme une permission à tous les abus de la religion, sans prévoir la manière dont elles pourraient être interprétées et sans me douter le moins du monde que je les regretterais amèrement toute ma vie.
La cérémonie de consécration des terres dura trois jours entiers, avec prières, invocations et fumées d'encens. Certains rites étaient uniquement l'affaire des prêtres, mais d'autres requéraient la participation de tous.
Je ne fis aucune objection car soldats et colons se réjouissaient à l'idée de ces journées de repos et de détente. Nochipa et Béu étaient, elles aussi, visiblement ravies d'avoir l'occasion de revêtir des habits plus riches
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et plus féminins que la tenue de voyage qu'elles avaient sur le dos depuis si longtemps.
La plupart des hommes de la caravane avaient femme et enfants ; cependant, il y avait deux ou trois veufs qui profitèrent de la fête pour faire, l'un après l'autre, la cour à Béu. Certains jeunes garçons firent également des avances maladroites à Nochipa. Je ne pouvais les critiquer car Béu et Nochipa étaient infiniment plus belles, plus fines et plus désirables que les paysannes lourdes et trapues qui les accompagnaient.
quand elle croyait que je ne la voyais pas, Béu repoussait avec hauteur les hommes qui venaient lui demander de danser avec eux ou qui trouvaient un prétexte quelconque pour s'approcher d'elle. Mais parfois, quand elle savait que j'étais dans les parages, elle aguichait outrageusement un pauvre rustre avec des yeux et un sourire si doux que le malheureux en transpirait d'émotion. Je voyais bien qu'elle agissait ainsi pour me montrer qu'elle était encore une femme attirante, mais c'était inutile, car Béu était aussi belle que Zyanya l'avait été. Pour moi, contrairement à ces paysans qui l'adulaient, j'étais depuis longtemps accoutumé à ses manigances et à ses ruses. Je me contentais de faire de grands sourires et d'opiner du chef, comme un frère qui donne sa bénédiction. Alors, son regard se glaçait, sa voix se faisait cinglante et le malheureux, si soudainement congédié, n'avait plus qu'à battre
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