Furia Azteca
vivre et o˘ on me donnerait alors un nom d'adulte particulier.
Elle dit : " Sept Fleur, mon enfant bien-aimé et délicatement venu au monde, voici le monde qui nous a été donné par les dieux, il y a longtemps.
Tu n'es né de ton père et de ta mère que pour être un serviteur des dieux et un guerrier. L'endroit o˘ tu viens de naître n'est pas ta réelle demeure. "
Puis elle dit : " Sept Fleur, tu es promis au champ de bataille. Ton premier devoir est de donner à boire au soleil le sang de tes ennemis et de nourrir la terre des cadavres de tes adversaires. Si ton tonalli est efficace, tu ne resteras avec nous que peu de temps. Ton vrai séjour sera la patrie de notre dieu-soleil Tonatiuh. "
Et elle dit : " Sept Fleur, si tu meurs comme un xochi-miqui - celui qui est assez chanceux pour mériter la Mort Fleurie, à la guerre ou au sacrifice - tu renaîtras dans le toujours bienheureux Tonatiucan, l'au-delà
du soleil, et tu serviras Tonatiuh jusqu'à la fin des temps en te réjouissant d'être son serviteur. "
Je vous vois faire la grimace, Excellence. J'aurais fait 25
de même, si j'avais alors compris ce sinistre accueil sur terre ou les mots prononcés par nos voisins et nos parents qui se pressaient pour voir le nouveau venu, chaj cun d'eux se penchant sur moi avec des paroles traditionnelles : " Tu es venu là pour souffrir. Souffrir et endurer. " Si, à leur naissance, les enfants pouvaient comprendre ce salut, ils se rentortilleraient tous dans les entrailles maternelles et iraient se fondre à nouveau dans la semence.
Il ne fait aucun doute que nous soyons venus au monde pour souffrir et peiner ; n'est-ce pas le sort de tout être humain ? Mais les paroles de la sage-femme concernant la carrière des armes et les sacrifices n'étaient que simagrées habituelles. J'ai entendu bien d'autres harangues édifiantes de la sorte, venant de mon père, de mes professeurs, de nos prêtres - et des vôtres -, tous se faisant i'écho machinal de ce qu'ils avaient eux-mêmes recueilli des générations depuis longtemps éteintes. Pour ma part, j'en suis arrivé à penser que les: morts n'étaient pas plus avisés que nous, même quand ils étaient en vie, et que le fait d'être morts n'ajoutait rien à leur sagesse. J'ai toujours pris les discours solennels des défunts "
avec mon petit doigt " - nous disons, yca mapilxocoyotl - ou bien comme vous dites, " avec des réserves ".
On grandit avec insouciance, mais en vieillissant, on se penche sur son passé. Ayyo, c'était si bon d'être un enfant, rien qu'un enfant ! De voir devant soi les chemins et les jours s'étaler, s'effacer et se perdre, sans qu'aucun d'eux ne soit regretté ou g‚ché ; quand tout était nouveau et inédit, comme ça l'était jadis pour Ome-tecuhtli et Omecihuatl, le Couple originel, " le seigneur et la dame de la dualité ", les premiers êtres de la création.
Sans aucun effort, je me rappelle et j'entends encore dans mes oreilles assourdies par les ans les bruits de l'aube sur notre île de Xaltocan et je les ai encore en mémoire. Parfois je me réveillais à l'appel de l'oiseau du matin, le papan, chantant sur quatre notes " papaquiqui, papaquiqui " -
invitant le monde à " se lever, à chanter,
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à danser, à être heureux ". D'autres fois, je m'éveillais au bruit encore plus matinal que faisait ma mère en écrasant le maÔs sur le metatl de pierre, ou lorsqu'elle pétrissait et façonnait la p‚te de maÔs qu'elle transformait en ces grandes et minces galettes de pain tlaxcala que vous appelez maintenant tortillas. Certains matins, même, je m'éveillais avant tout le monde, sauf les prêtres de Tona-tiuh, le soleil. Allongé dans l'obscurité, je les entendais, dans le temple situé au sommet de la modeste pyramide de l'île, souffler dans une conque des notes bêlantes et enrouées, tandis qu'ils faisaient br˚ler de l'encens ou qu'ils tordaient rituellement le cou d'une caille (parce que c'est un oiseau tacheté comme une nuit étoilée) et qu'ils s'adressaient au dieu en chantant : " Vois, la nuit se meurt. Viens maintenant accomplir ta bienfaisante besogne, ô toi, joyau des joyaux, aigle qui prend son essor, montre-toi pour chauffer et éclairer le Monde Unique... "
Sans effort, sans peine, je me souviens des midis br˚lants, quand Tonatiuh le soleil, alors dans toute la force de la jeunesse, brandissait avec fureur ses traits enflammés, tout en piétinant et en martelant le toit de l'univers. Dans le bleu
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