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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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ne bougea pas d’un cheveu. Or, prêtant l’oreille, il entendit une voix très douce qui chantait un chant dont il ne comprenait pas les paroles. D’ailleurs, la voix était tellement lointaine, tellement aérienne qu’il la prit pour une musique céleste et se dit que le saint Graal devait se trouver là derrière. Alors, il s’agenouilla, fondit en larmes et sanglota : « Mon Dieu, si jamais j’ai accompli rien qui ne fût une faute, par ta pitié, daigne me montrer quelque chose des saints mystères que j’ai toujours si ardemment désiré contempler. C’est une grâce que je te demande de m’accorder, Père tout-puissant, afin qu’ensuite je puisse mourir en paix avec toi et avec moi-même. »
    À peine avait-il fini de parler qu’il vit s’ouvrir la porte et, de la chambre, émaner une si étonnante clarté que le soleil, eût-on dit, y avait fait sa résidence. La demeure entière en fut aussi illuminée que si on y eût allumé tous les cierges et toutes les torches du monde. Et Lancelot y baignait avec tant de félicité qu’il en oublia tout le reste. Voulant absolument contempler la source de cette lumière, il s’avança vers la porte et allait la franchir quand une voix, celle-là même qu’il avait entendue au-dehors, retentit à ses oreilles : « N’entre pas, Lancelot, n’entre pas ! disait-elle. Tu n’es pas digne d’aller plus loin. Et n’enfreins pas cette défense, ou tu auras lieu de t’en repentir. » À ces mots, Lancelot recula, effrayé par le ton menaçant qu’avait adopté la voix, très affligé surtout par l’interdiction qu’elle venait de lui signifier. De la place où il était, il essaya néanmoins de voir qui se trouvait dans la chambre.
    Avec émerveillement, il aperçut la table d’argent qu’il avait déjà vue et, dessus, sous une étoffe de soie transparente, la coupe d’émeraude. Assis devant celle-ci, un vieillard revêtu d’habits sacerdotaux semblait célébrer le rituel de la messe. Au moment de l’élévation, Lancelot crut distinguer, au-dessus des mains levées du vieillard, trois hommes : deux d’entre eux remettaient l’autre, plus jeune, au prêtre, et le prêtre le soutenait tout en le montrant aux fidèles.
    À la stupeur de Lancelot, l’officiant paraissait faiblir sous le poids de l’homme qu’il portait. Et de fait, tout à coup, le vieux prêtre s’effondra, comme pris de faiblesse, face contre terre. Ce que voyant, Lancelot se précipita pour l’aider, parce qu’aucun des gens qui entouraient le prêtre ne semblait songer à le soutenir, et cette impulsion lui fit oublier la défense de franchir le seuil. Pénétrant dans la chambre, il s’approcha de la table d’argent mais, au moment même où il allait frôler celle-ci, il sentit un souffle, aussi chaud que poignée de braises, le frapper au visage avec tant de virulence qu’il se crut la tête entièrement brûlée. Incapable d’avancer d’un pas, immobile et comme paralysé, il n’entendait plus rien, ne voyait plus rien. Il sentit seulement que des mains l’empoignaient de toutes parts, l’emportaient puis le jetaient dehors. Il heurta rudement le sol et perdit conscience.
    Le lendemain à l’aube, les gens de la forteresse découvrirent en se levant Lancelot gisant devant la porte de la chambre. Et tous furent très surpris, car ils ne le reconnurent pas et, loin de comprendre ce qui s’était passé, ils se demandaient comment ce chevalier avait pu impunément s’aventurer là. Ils l’invitèrent à se lever, mais en vain. Il semblait ne pas les entendre et demeurait si bien immobile que, le croyant mort, ils s’empressèrent de le désarmer pour s’en assurer. Lors, ils s’aperçurent que s’il respirait, il ne pouvait plus parler ni bouger. Il demeurait inerte comme une motte de terre. Aussi l’emporta-t-on, et on le coucha sur un lit somptueux, dans une chambre bien à l’écart, afin que le bruit ne le fît pas souffrir. Toute la journée, ses hôtes le veillèrent du mieux qu’ils purent, lui adressant souvent la parole dans l’espoir d’obtenir l’ombre d’une réponse ou d’un signe de vie. Mais il restait muet, les yeux clos, on l’eût cru sorti de ce monde. Et plus on écoutait son pouls et le battement de son cœur, moins on comprenait pourquoi ce chevalier, parfaitement en vie et apparemment sauf de toute blessure, se révélait incapable de prononcer le moindre mot. Aux yeux de certains, pourtant, il ne pouvait s’agir

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