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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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accès à une grande fosse creusée sous la salle et d’où émanait une effroyable puanteur. Et, là-dessus, saisissant le blessé par les bras et les jambes, ils le précipitèrent dans l’ordure de cet abîme puis replacèrent dessus la dalle et vinrent rendre hommage à Perceval, se rendant à sa merci et l’avouant pour leur seigneur.
    Onnen alors fit son entrée, toujours sur sa mule et, allant tout droit vers son cousin, lui dit : « Perceval, voici ton ultime combat avant la demeure du Roi Pêcheur. Sache que l’Ermite Noir mettait tout en œuvre pour tuer les chevaliers qui se rendaient à Corbénic, à seule fin d’empêcher que le Roi Pêcheur pût guérir de sa blessure. Au surplus, il terrorisait les chevaliers de ce pays-ci, les obligeant à accomplir des forfaits sous peine de périr de sa propre main. Voilà pourquoi ces gens sont si heureux que tu l’aies vaincu, et voilà pourquoi ils te choisissent comme leur seigneur. – Ils me font là grand honneur, dit Perceval, mais je voudrais bien savoir, chère cousine, pourquoi cet Ermite Noir s’opposait si fort à la guérison du Roi Pêcheur. – C’est une longue histoire, répondit Onnen, mais je vais tenter de te la conter. » {59}
    Elle descendit de sa mule et enjoignit à Perceval de la suivre dans la cour qui s’étendait devant la grande salle. Mettant lui-même pied à terre, il s’exécuta, menant son cheval par la bride. Sa cousine le fit asseoir à côté d’elle sur le perron et lui narra ceci : « Sache, Perceval, que l’Ermite Noir se nommait en réalité Klingsor, et qu’il était un redoutable magicien, le maître des esprits malins infestant ce pays. Lui sont imputables les meurtres innombrables de chevaliers défendant les domaines du Roi Pêcheur. Il est responsable des souffrances infligées aux habitants de son pays. C’est lui qui, par ses sortilèges, a si bien calciné cette terre qu’elle ne produit plus rien et que les animaux eux-mêmes en ont été chassés. Mais les faits dont il s’est rendu coupable ici sont des bagatelles, comparés aux inventions surprenantes qu’il a mises en œuvre dans d’autres contrées. Je vais te dire quel homme abominable était Klingsor. Hélas, que de gens sur terre ont pâti et souffert par sa faute !
    « Klingsor, ou l’Ermite Noir, si tu préfères, était issu d’une illustre famille, puisque l’un de ses ancêtres était ce Virgile dont on connaît les écrits et qui fut en son temps l’inventeur de maint sortilège magique {60} . Or voici ce qu’il advint à Klingsor : il commença par s’illustrer comme chevalier et marcha si vaillamment dans le noble sentier de la gloire qu’il s’acquit tout le renom souhaitable. Hommes et femmes chantaient également ses louanges, mais la démesure de son orgueil devait lui faire un jour payer fort cher sa renommée passablement imméritée.
    « À l’époque, régnait en Sicile un roi de haut mérite nommé Ibert dont l’épouse, une femme de haut lignage, s’appelait Iblis {61} . Cette dame était douée d’une grande beauté, et chacun vantait ses mérites et son intelligence. Or, comme Klingsor était fort prisé des femmes et que sa réputation flatteuse déchaînait en sa faveur les passions les plus folles, la belle Iblis s’éprit de lui. Et il répondit si volontiers à cet amour qu’il devint bientôt le maître du cœur et du corps de la reine. Malheureusement pour lui, le secret de leur liaison fut ébruité, et le roi Ibert, bientôt alerté, entra dans une fureur noire et résolut de se venger cruellement.
    « Un jour, il tendit un piège à Klingsor en prétendant s’absenter pour plusieurs jours. Mais il revint en cachette et trouva celui-ci couché contre son épouse et dormant dans ses bras. Klingsor s’y trouvait au chaud, sans aucun doute, mais il lui fallut expier durement son bien-être, car, de sa propre main, le roi lui rasa l’entrejambe, estimant n’exercer là que son droit, et il le mutila si parfaitement que Klingsor fût désormais incapable de donner du plaisir à aucune femme. Atrocement mortifié, Klingsor décida qu’il se vengerait de l’humanité tout entière.
    « Il est une ville qu’on nomme Persida, quoiqu’elle ne se trouve pas en Perse, et où, du moins le dit-on, fut inventé l’art de sorcellerie. Klingsor s’y rendit et en rapporta les moyens de réaliser tous ses désirs – malins en tout cas – grâce à une subtile et puissante magie. Sa mutilation

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