Galaad et le Roi Pêcheur
Roi Pêcheur sera guéri de sa blessure par le Bon Chevalier. Quant à toi, Perceval, qui étais responsable de bien des maux, tu t’es racheté en faisant de ton mieux pour sauver le royaume. Autrefois, je portais mon bras pendu à mon col par une étole d’or et de soie, parce que je pensais que j’avais eu tort de servir les chevaliers qui, venus à la cour du Roi Pêcheur, n’avaient point posé de question. Maintenant, Perceval, je te sais sur le chemin qui mène à Corbénic, et comme rien ne t’empêchera d’accomplir la quête, j’ai décidé de libérer mon bras. Quant à la jeune fille qui courait à pied derrière le char aux trois cerfs, elle va maintenant à cheval, son supplice a pris fin. Sois donc béni, Perceval, pour avoir fait preuve de ta valeur, grâce aux vertus d’un noble cœur et aux mérites d’une illustre lignée. Tu es digne d’accompagner le Bon Chevalier vers les mystères du saint Graal et de devenir bientôt roi du Graal. Encore reste-t-il bien des périls à surmonter.
— Quels périls, ma cousine ? demanda Perceval. Est-il quelqu’un qui te menace ? Es-tu poursuivie de maudits chevaliers qui en voudraient à ta personne ? – Il ne s’agit pas de cela, Perceval, répondit-elle, mais de tout autre chose, d’une redoutable épreuve devant laquelle a reculé Gauvain, le neveu du roi Arthur, lors de son passage dans ces parages. Je pense qu’il t’appartient de la surmonter. – En quoi consiste-t-elle donc ? – Tu vois cette forteresse, là-haut, derrière le bois ? On l’appelle la forteresse de l’Ermite Noir, et personne n’ose s’en approcher. Pourtant, si tu veux poursuivre, il te faudra forcément passer sous ses murailles. Or, à leur sommet, bien à l’abri derrière les créneaux, se trouvent des archers qui lancent leurs traits avec tant de force que nul ne peut leur résister. À les entendre, ils ne cesseront de tirer qu’à ton arrivée. Mais je sais bien, moi, pourquoi ils le feront à ce moment-là : c’est qu’ils projettent de t’enfermer dans la forteresse et de t’y mettre à mort dès l’instant qui leur conviendra. Cependant, sache qu’aucun d’entre eux n’a le pouvoir de te tuer, Perceval, excepté le seigneur lui-même, l’Ermite Noir, qui est l’homme le plus malfaisant que je connaisse. Et comme il est bien résolu à te mettre à mort, voici ce que je te conseille : confie-moi ton bouclier et prends celui-ci. Sa blancheur les empêchera de te reconnaître, et toi tu pourras d’autant mieux te défendre d’eux. » Comme sa cousine le lui proposait, Perceval échangea donc son bouclier contre l’autre, lequel était entièrement blanc, sans la moindre marque qui permît d’identifier son propriétaire.
Là-dessus, il s’avança hardiment vers la forteresse de l’Ermite Noir, tandis que sa cousine le suivait à une certaine distance. Comme il allait à vive allure, les archers, ne le reconnaissant pas, lui décochèrent leurs traits redoutables, et ceux-ci se fichèrent dans le bouclier blanc. Il s’approcha néanmoins du pont, qui était levé, et sous lequel coulait un torrent impétueux. Or, dès qu’il l’eut atteint, celui-ci s’abaissa, et les archers cessèrent de tirer, car ils venaient de le reconnaître. La porte s’ouvrit pour le laisser entrer, car les habitants de la forteresse se croyaient capables de le tuer en un seul assaut. Mais il leur suffit de le voir, fièrement campé sur son destrier, parcourir la grande rue, pour que, renonçant d’emblée à leurs intentions, ils préférassent ne pas engager de combat, eu égard, disaient-ils, aux privilèges de leur seigneur et maître.
Poursuivant donc son chemin, Perceval pénétra tout armé dans une vaste salle dont les murs étaient ornés de splendides tapisseries. Des gens de mine effrayante se tenaient là, entourant celui qu’on appelait l’Ermite Noir et qui, déjà sur son cheval, attendait, tout armé et prêt à combattre. Dès que Perceval l’aperçut, il se précipita sur lui avec une telle violence que toute la salle trembla lorsque se choquèrent leurs armes. L’Ermite Noir y brisa sa lance, mais le coup porté sur le côté gauche de son bouclier fut si fort qu’il le fit tomber au bas de son cheval et, dans sa chute, se briser deux côtes, accident qui le rendit incapable de se relever. Perceval vit alors, avec surprise, que les acolytes de l’Ermite Noir, au lieu de lui porter secours, soulevaient une dalle qui donnait
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