Galaad et le Roi Pêcheur
ruisselaient à flots sur ses joues. « Jeune fille, interrogea Bohort, quelle est donc la cause de ton chagrin ? » Elle répondit au milieu de ses sanglots : « Un chevalier que j’ai gardé et soigné ici, seigneur. – Qui est-il ? demanda Bohort. – Il s’agit de Méliot, l’un des bons chevaliers du roi Arthur. Il s’est montré pour moi le meilleur des hommes, et le plus courtois. Je l’aimais d’un tendre amour et j’ai tout fait pour le sauver. J’avais même prié Lancelot, le fils du roi Ban de Bénoïc, de me rapporter ce qu’il fallait pour guérir ses plaies, et Lancelot m’a tenu parole, en fidèle chevalier qu’il est. Hélas ! à peine guéri, Méliot s’est trouvé en face d’un de ses plus mortels ennemis, Brudan, le fils de Brian des Îles, un mauvais chevalier qui tue pour son plaisir. Il se fait toujours accompagner d’un nain, son âme damnée qui, par traîtrise et par haine, le pousse et l’entraîne à méfaire.
— Qu’est devenu Méliot ? demanda Bohort. – Hélas ! s’écria la jeune femme avec des sanglots redoublés, je viens d’apprendre que le maudit Brudan l’a tué ! Ah, Dieu veuille qu’il soit vengé, car Brudan l’a tué par traîtrise et non en combat loyal. – Dame, répondit Bohort, je vengerai moi-même Méliot. » Celui-ci, en effet, il le comprenait, ne faisait qu’un avec le fuyard qu’il avait vainement souhaité protéger. « Dis-moi, dame, reprit-il, où puis-je rencontrer ce Brudan qui me paraît si déloyal ? – Il rôde sans cesse dans la Gaste Forêt, répondit la jeune femme, car il est toujours en quête d’une aventure susceptible de satisfaire ses instincts meurtriers. »
Bohort se disposait à repartir quand une jeune fille fit irruption dans la cour de la forteresse, montée sur un palefroi qu’elle avait dû durement mener, car il était tout en sueur. « Chevalier ! chevalier ! cria-t-elle, au nom de Dieu, je réclame ton secours, car je n’ai trouvé personne dans cette forêt qui fût capable de me venir en aide ! – Pourquoi as-tu donc besoin de secours ? demanda Bohort. – Seigneur, répondit-elle, un chevalier, suivi d’un nain, est en train d’enlever de force ma maîtresse, qui s’en allait à la cour du roi Arthur ! » Bohort regarda la dame du Château Périlleux : « Voici celui que nous cherchons ! s’écria-t-il. Je sauverai cette femme et je vengerai mon compagnon Méliot, je le jure, sur mon honneur de chevalier. »
Il se hâta de sortir de la forteresse et, éperonnant sa monture, prit le galop en direction de la forêt. Comme la jeune fille le suivait, lui indiquant la direction qu’avait prise le ravisseur, il ne tarda guère à le rejoindre et reconnut effectivement en lui le poursuivant du malheureux Méliot. Au surplus, le nain, derrière, semblait exciter son maître à maltraiter sa proie. Bohort entendait les cris lamentables de celle-ci. Elle implorait, d’une voix à fendre le cœur, la clémence du chevalier, mais lui ne promettait que d’être impitoyable et, encouragé par les rires et les quolibets du nain, lui frappait du plat de son épée la tête et le dos. Bohort surgit là-dessus et l’intercepta :
« Il me semble, s’écria-t-il, que tu traites fort méchamment cette demoiselle ! Quel tort t’a-t-elle donc causé ? » Brudan des Îles s’était arrêté, le visage empourpré de colère. « De quoi te mêles-tu ? répliqua-t-il avec arrogance. Mes affaires avec cette fille ne regardent, je pense, que moi ! – Si pourtant je m’en mêle, reprit Bohort, c’est qu’un chevalier digne de ce nom ne laissera jamais maltraiter dame ou jeune fille ! – Et tu te figures que tu m’empêcheras, toi, d’agir comme bon me semble ? ricana Brudan. Je n’ai pas l’habitude de recevoir de leçons d’autrui ! – Eh bien ! conclut Bohort, il se pourrait fort que tu en reçoives une incessamment. »
Mais Brudan ne l’écoutait même pas. Et, pour montrer dans quel mépris il tenait les menaces de Bohort, il leva de nouveau son épée et en donna à la jeune fille un coup si violent qu’elle chancela et que le sang lui coula de la bouche et du nez. « Cette fois, s’écria Bohort, c’en est trop ! Je te défie, Brudan des Îles, et ce, non seulement pour défendre celle que tu traites si odieusement, mais aussi pour venger le chevalier Méliot que tu as lâchement attaqué et qui en est mort. Or, sache que je m’étais mis en tête de le
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