Galaad et le Roi Pêcheur
apparut vêtu d’une cotte de soie vermeille qui rehaussait encore la beauté et la finesse de son corps. Sur ce, le vieillard lui tendit un manteau vermeil, également de soie mais tout fourré de blanche hermine, qu’il portait sur l’épaule, et, après que le jeune homme s’en fut paré, il lui reprit la main et le mena droit au Siège Périlleux, près duquel était assis Lancelot. Il souleva le drap de soie dont les trois cousins l’avaient recouvert, et on pouvait lire désormais en lettres d’or l’inscription suivante : « Ceci est le siège de Galaad. »
« Galaad, dit alors d’une voix très douce le vieillard, assieds-toi ici, car cette place te revient de droit. » Le jeune homme s’installa tranquillement et dit au vieillard : « Tu peux t’en retourner maintenant, tu as accompli ce que l’on t’avait demandé. Salue pour moi tous ceux que j’ai connus, et plus particulièrement le Roi Pêcheur. Dis-lui que j’irai le retrouver sitôt que les temps seront venus. »
Le vieillard se dirigea vers la porte après avoir salué le roi Arthur et l’avoir, lui et ses chevaliers, recommandé à Dieu. Ils voulurent tous savoir qui il était, mais il leur répondit que l’heure n’était pas venue de le révéler, mais qu’ils le sauraient plus tard. Au-dehors, il alla rejoindre les quinze chevaliers et écuyers qui l’avaient escorté ; il monta en selle avec une agilité qu’on n’attendait pas de son âge, et il s’en fut en direction de la forêt.
Lorsque ceux de la salle virent le jeune homme assis sur le siège que tant d’hommes de bien avaient redouté et où s’étaient jadis passées bien des aventures, ils furent fort émerveillés. Le nouveau venu était si jeune que pareille faveur n’avait pu lui échoir que par la volonté de Dieu. Et grande fut la joie, car on savait bien qu’il était l’élu chargé d’accomplir les mystères du saint Graal : jamais auparavant personne n’avait pu toucher au Siège Périlleux sans s’attirer châtiment funeste. On traita donc celui-ci avec les plus grands égards, le tenant pour maître et seigneur de tous ceux de la Table Ronde. Et Lancelot, qui ne pouvait le regarder sans être au comble de l’admiration, fut le plus empressé à le servir.
Quant à Bohort, encore plus joyeux que les autres, il dit à son frère : « Sais-tu qui est ce chevalier du Siège Périlleux ? – Pas exactement, répliqua Lionel. M’est avis qu’il est le jouvenceau qu’adouba Lancelot avant-hier. Ne serait-il pas l’enfant dont nous avons tant parlé, toi et moi, le fils que Lancelot a eu de la fille du Roi Pêcheur ? – Tu as raison, reprit Bohort, c’est lui. Je me souviens l’avoir vu lorsqu’il était encore en sa prime jeunesse. Il est notre proche cousin, et nous devons nous réjouir de sa venue, car assurément il accomplira plus de merveilles que n’en accomplit jamais quiconque jusqu’à ce jour. D’ailleurs, il a déjà commencé, nous en sommes témoins. »
Cependant, la nouvelle s’en répandit si vite à travers toute la forteresse que la reine, qui se restaurait en ses appartements, l’entendit de la bouche d’un valet. « Reine, dit-il, il est arrivé de grandes merveilles ! – Comment cela ? Raconte-moi, je te prie. – Reine, un chevalier est entré dans la grande salle où étaient réunis les compagnons, et il s’est assis sur le Siège Périlleux après avoir décroché le bouclier suspendu au pilier. Seulement, il est si jeune que tous se demandent comment il a obtenu un tel privilège. – Certes, c’est une grâce insigne, dit Guenièvre, car jusqu’à présent, personne n’a pu décrocher le bouclier, et personne n’a réussi à occuper cette place sans être foudroyé ou estropié. » Lors les suivantes manifestèrent leur joie : « Par Dieu tout-puissant, dirent-elles, ce chevalier est né pour accomplir de grandes choses ! Il est, à n’en pas douter, celui qui mettra fin aux aventures du royaume de Bretagne et guérira le roi blessé ! »
La reine demeura un instant songeuse, puis elle dit au valet : « Bel ami, puisque tu as vu ce jeune chevalier, décris-le-moi, je te prie. – Reine, il est un des plus beaux chevaliers du monde. Mais il est jeune à ravir, et il ressemble tant à Lancelot et à la parenté du roi Ban que tous disent qu’il en est issu ! » Guenièvre sentit son cœur battre plus fort et elle éprouva le désir de voir l’inconnu. Au fond
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