Galaad et le Roi Pêcheur
d’elle-même, elle était persuadée qu’il s’agissait du fils de Lancelot et de la fille du Roi Pêcheur. Elle connaissait cette histoire par cœur et, bien qu’elle sût qu’on avait abusé Lancelot, elle ne pouvait se défendre d’une jalousie poignante, ainsi que d’une injuste rancœur envers l’homme qu’elle aimait toujours aussi passionnément. Et tout cela ravivait en elle des souvenirs qu’elle eût préféré effacer.
Pendant ce temps, le roi et les compagnons de la Table Ronde avaient terminé leur repas. Ils se levèrent, et Arthur, allant au Siège Périlleux et soulevant le drap de soie, vit inscrit le nom qu’il désirait apprendre. Il le montra à Gauvain en disant : « Beau neveu, nous avons ici Galaad, le Bon Chevalier que depuis si longtemps nous brûlions d’accueillir. Soyons attentifs à l’honorer et à le servir tant qu’il sera des nôtres. Car, je le sais bien, il ne demeurera guère ici. Bientôt, je n’en puis douter, l’appellera au loin la grande quête du Graal. Lancelot nous l’a laissé entendre aujourd’hui, et je suis sûr qu’il savait quelque chose à cet égard. – Mon oncle, répondit Gauvain, je ferai de mon mieux pour servir Galaad, et tous nos compagnons feront de même, tant nous avons hâte, tous, que le royaume soit délivré des grandes merveilles et des étranges aventures qui y sont advenues. »
Là-dessus, le roi s’approcha de Galaad. « Seigneur, dit-il, Dieu m’est témoin que nous avons désiré ta venue depuis bien des années. À présent, nous ne pouvons que nous réjouir, te voici parmi nous. – Roi Arthur, répondit Galaad, je suis venu parce que je le devais. C’est de ta cour qu’en effet partiront tous les compagnons de la quête du saint Graal, et ce pour la plus grande gloire de ton royaume. – Cependant, repartit le roi, il est un exploit que certains d’entre nous ont tenté aujourd’hui sans parvenir à l’exécuter. Or, j’en suis sûr, si tu le tentes, tu ne peux faillir, puisqu’il te revient de mettre un terme aux aventures où le lot des autres est l’échec, la honte ou le désespoir. Comme c’est Dieu lui-même qui t’a envoyé, tu ne saurais échouer. – De quelle aventure me parles-tu, seigneur roi ? dit Galaad. Sache-le, je ne me déroberai pas, si pénible que soit l’épreuve. – Elle n’est pas pénible, elle est impossible, semble-t-il. Je vais te conduire. » Arthur prit Galaad par la main et l’entraîna au-dehors, du côté de la rivière. Et, désireux de savoir comment s’achèverait l’aventure du perron merveilleux, tous les barons leur emboîtèrent le pas.
La nouvelle en parvint aussi à la reine. Aussitôt, elle fit ôter les tables et dit à quatre de ses suivantes : « Dames, venez avec moi jusqu’à la rive. Je ne veux pas manquer la fin de cette aventure, s’il m’est permis d’arriver à temps. » Et elle les entraîna dehors. Au moment où toutes les cinq parvenaient au rivage, Arthur montrait le perron à Galaad. « Voici de quoi je te parlais, lui dit-il. Les plus valeureux de mes compagnons n’ont pas réussi aujourd’hui à tirer cette épée de la pierre. – Roi Arthur, répondit Galaad, cela n’a rien d’étonnant, cette aventure m’était destinée. Tu as pu voir que j’étais venu sans épée : de fait, je comptais bien sur celle-ci. » Et, sans plus attendre, Galaad se pencha, saisit l’épée et l’arracha de la dalle aussi facilement que si elle n’y avait jamais été fichée. Puis il la plaça dans le fourreau, la ceignit et dit au roi : « Seigneur, me voici maintenant tout armé. Il me semble que je vaux mieux qu’auparavant. »
Au même moment, vers l’aval, apparut une jeune femme montée sur un palefroi blanc qui allait au triple galop. Elle arrêta l’élan de sa monture juste devant le roi et, après avoir salué celui-ci, elle demanda si Lancelot se trouvait là. Il était alors au milieu d’un groupe et répondit en personne, puis s’avança vers la visiteuse en qui, non sans stupeur, il reconnut Saraïde, la fidèle suivante de la Dame du Lac. Saraïde le regarda et se mit à pleurer, ce qui intrigua davantage encore les assistants. « Ah ! Lancelot ! s’écria-t-elle enfin, que ton sort est changé depuis hier ! – Comment cela ? répondit Lancelot. Dis-le-moi, je t’en prie, douce amie. – Par ma foi, reprit Saraïde, je vais te le révéler en présence de tous. Hier encore, tu étais le meilleur chevalier
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