Galaad et le Roi Pêcheur
furent, eux, fort affligés d’apprendre que Gauvain, neveu d’Arthur, était si grièvement blessé. Ils le considéraient en effet comme le plus sage et le plus généreux des compagnons de la Table Ronde et comme l’homme le mieux aimé des nations étrangères. Aussi s’empressa-t-on de le transporter à l’intérieur de la forteresse, de l’y désarmer et de le coucher dans une chambre paisible, à l’écart de toute agitation. Puis l’on manda un médecin qui, après avoir examiné sa plaie, assura qu’en un mois il pourrait le guérir et lui permettre à nouveau de chevaucher et de porter ses armes. Et tous promirent, en cas de succès, de le récompenser si largement qu’il serait riche pour le restant de ses jours. Ainsi Gauvain demeura-t-il là, en compagnie d’Hector qui n’avait pas voulu repartir avant de le voir complètement guéri.
Après avoir quitté le tournoi sans que personne se fût aperçu de son départ, le Bon Chevalier avait longé quelque temps la grève puis s’était enfoncé au plus profond de la forêt. La tombée de la nuit le surprit à la porte d’un ermitage et, soucieux de trouver à s’héberger, il frappa à la porte. Le reconnaissant pour un chevalier errant, l’ermite lui souhaita la bienvenue, prit soin de son cheval, le désarma et le fit entrer dans son logis. « chevalier, dit-il, tu as grand besoin de repos. Aussi ne te demanderai-je rien ce soir. Mais, demain, avant que tu ne partes, je voudrais te parler d’un prodige que tu pourrais éventuellement mener à son terme. – Je ferai selon ton désir », répondit Galaad qui, après avoir mangé et bu, s’endormit sur une botte de foin qui se trouvait là {37} .
Le lendemain matin, quand il se fut armé, il demanda à l’ermite : « Seigneur, qu’en est-il du prodige dont tu m’as entretenu hier soir ? – Suis-moi », répondit l’ermite. Il le fit sortir du logis et le conduisit par la main jusqu’à un vaste cimetière qui s’étendait non loin de là. Une fois dans l’enclos, ils parvinrent devant une tombe sur laquelle était gravée en lettres d’or une longue inscription que Galaad fut invité à lire. Aussi se pencha-t-il, et il déchiffra sans difficulté ceci « Celui qui lèvera cette pierre à lui seul sera le libérateur des humains prisonniers dans la terre d’exil d’où ne sort quiconque, serf ou gentilhomme, pour peu qu’il y ait mis le pied. Personne n’a jamais vu le chemin du retour, car tous les étrangers demeurent là captifs. » Sans plus attendre et sans plus hésiter, Galaad saisit le rebord de la dalle et la souleva, découvrant une cavité sombre d’où s’exhalait une fumée puante. « Qu’est-ce que cela veut dire ? s’étonna-t-il.
— Seigneur chevalier, expliqua l’ermite, ta tâche n’est pas terminée. Je peux te le dire, un seul homme jusqu’à présent s’est montré capable de soulever cette dalle comme tu viens-de le faire toi-même. Mais il a été impuissant contre le prodige qui se trouve dessous. – Montre-le-moi », dit Galaad. L’ermite le fit alors descendre dans une espèce de couloir très sombre où la fumée s’épaississait progressivement avec une puanteur sans cesse plus affreuse. « Va, dit encore l’ermite, et attends-toi au pire. » Galaad s’engagea dans le boyau et déboucha dans une salle assez vaste au centre de laquelle se dressait un tombeau. Une grande flamme en surgissait qui, outre la fumée puante, émettait une lueur rougeâtre des plus inquiétantes. Par ailleurs, Galaad entendit une voix qui semblait monter du plus profond du tombeau, une voix lamentable qui, d’un ton plaintif, suppliait que l’on soulevât la dalle qui l’emprisonnait.
Galaad se signa et, se retranchant derrière son bouclier, s’avança vers la flamme qui se tordait et s’allongeait vers lui comme désireuse de le brûler. Parvenu près du tombeau, il saisit le rebord de la dalle et la souleva sans aucun effort. Un cri terrible se fit alors entendre, et la flamme s’éteignit aussitôt, laissant le Bon Chevalier dans l’obscurité la plus totale. Et la voix retentit à nouveau, mais, cette fois, douce, apaisée, sans aucune nuance de supplique. « Bon Chevalier, disait-elle, toi qui portes le nom de Galaad ! Bon Chevalier, véritable preux, béni soit Dieu qui t’a conduit ici ! Ta sainte présence m’a délivré des souffrances que j’ai dû subir plus longtemps qu’on ne saurait l’imaginer. Notre Seigneur a
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