Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
Jâai quitté le monticule après quatre manches et deux tiers de travail, au cours desquelles jâai concédé neuf coups sûrs et quatre buts sur balles.
Câétait loin dâêtre un triomphe mais la glace était brisée. Ma période de rééducation était bel et bien amorcée. Et aussi curieux que cela puisse paraître, je venais aussi dâentreprendre lâune des plus amusantes saisons de ma vie.
Durant lâun de mes matchs subséquents avec les Capitales, je venais dâaccorder un coup sûr et il y avait quelques coureurs sur les sentiers quand Michel a décidé de me rendre visite au monticule. Il sâapprochait dâun air sérieux. Je pense que ça lâintimidait parfois un peu, étant donné nos expériences différentes, de venir me parler de mécanique ou de mâoffrir un conseil.
Quand il est arrivé au monticule, jâavais le sourire fendu jusquâaux oreilles.
â Pourquoi tu ris?
â Pat Deschênes vient de me remettre la balle. Ãa fait longtemps que je nâai pas entendu mon troisième-but me remettre la balle en disant â Come on , Ãric , tabarnac! Tâes capable!âÂ
Au fil des semaines, je me suis mis à apprécier ces petits moments anodins. Le simple fait de voir Pat Deschênes, Ivan Naccarata, Pierre-Luc Laforest et Michel converger vers le monticule pour tenir des caucus en français me faisait sourire. Je me disais que jâavais bouclé la boucle et que jâétais bel et bien revenu chez nous. Ãa me faisait du bien parce que mes dernières années dans les majeures mâavaient fait perdre une partie de mon enthousiasme, de mon émerveillement.
Par-dessus tout, le spectacle que jâappréciais le plus était celui que mes coéquipiers mâoffraient â sans le savoir â tous les jours. On aurait dû tourner une télé-réalité sur cette équipe tellement on y retrouvait des personnages et des caractères différents.
Quand jâavais pris la décision dâaller à Québec, jâavais dâabord imaginé que jâallais replonger dans une atmosphère semblable à celle quâon retrouve dans les club-écoles des ligues majeures. Dans ces équipes, de façon générale, chaque joueur fait sa petite affaire sans vraiment se soucier de lâaspect collectif.
Or, je me retrouvais au sein dâun groupe de joueurs qui se soutenaient, qui se respectaient et qui étaient des amis.
La plupart des joueurs de lâéquipe avaient évolué â à divers niveaux â dans le cadre rigide du baseball professionnel, où il fallait faire le moins de vague possible. Et il était clair que tous étaient heureux de se retrouver dans un autre contexte et de pouvoir, à nouveau, faire preuve de spontanéité et exprimer leur vraie nature.
Cette expérience mâa vraiment permis de redécouvrir lâesprit qui mâavait animé et pour lequel je mâétais imposé tant de sacrifices plusieurs années auparavant: le pur amour du baseball.
Jâai réalisé à quel point mes coéquipiers jouaient par amour du baseball. Ils étaient passionnés par la game . Ils étaient bien sûr payés pour jouer, mais à 1 200 $ ou 1 500 $ par mois, cela constituait en quelque sorte une perte financière par rapport à ce quâils auraient pu toucher en occupant un emploi conventionnel.
Le propriétaire des Capitales, Miles Wolf, avait été froissé par une déclaration que jâavais faite un jour dans le cadre dâune entrevue avec un grand quotidien américain. Jâavais alors fait référence à une «ligue de garage» en évoquant lâambiance quâon retrouvait au sein de notre vestiaire. Je parlais alors de notre incroyable esprit dâéquipe et des liens dâamitiés qui unissaient nos joueurs.
Le calibre de jeu de la ligue Can-Am était nettement plus relevé que je lâavais imaginé au départ. à mon avis, cela se comparait au niveau AA dans les ligues mineures, sauf que les joueurs y étaient un peu plus âgés. Mais le journaliste, au grand dam de Miles Wolf, avait titré que je jouais dans une ligue de garageâ¦
à mon arrivée à Québec, les gars ne semblaient pas trop
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