Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
être en période de rééducation, il nâétait pas normal que je me fasse cogner avec autant dâautorité dans la ligue Can-Am. Avec une expérience aussi vaste que la mienne, un lanceur peut remporter un match de baseball même en lançant à 62 milles à lâheure.
à un certain moment, je me suis dit:
« Fuck off , hostie! Je vais continuer à lancer quand même, ne serait-ce que pour permettre à Michel de préserver les bras des autres lanceurs.»
En quatrième, les American Defenders sont revenus à la charge avec trois autres coups sûrs, un double et deux circuits pour inscrire trois points supplémentaires.
Quand jâai quitté le match après cinq manches, jâavais accordé14 coups sûrs et 9 points, dont 8 étaient mérités. Et depuis mon arrivée chez les Capitales, jâavais lancé 20 manches et accordé 40 coups sûrs.
«How low can you go?» , comme disent les Américains.
Dans ma tête, quand jâai quitté le parc ce soir-là , tout était terminé. Il nâétait plus question de jouer au baseball. La scène avait été tellement désolante que mes coéquipiers étaient aussi convaincus que jâallais plier bagages.
Durant la soirée, je suis allé voir Michel et je lui ai fait part de ma décision:
â Câest fini, Michel. Je lâai plus pantoute et je suis écÅuré. Je suis pas tanné de jouer. Je suis juste écÅuré de ne plus être bon.
Il mâa écouté avec beaucoup dâempathie. La dernière chose que Michel souhaitait, câétait que ma présence dans la ligue Can-Am se transforme en cirque. Malgré mes déboires, il prétendait avoir vu des flashs intéressants depuis mon arrivée avec lâéquipe. Et à son avis, le pari que jâavais fait de retourner dans les ligues majeures était toujours réalisable. Il y croyait.
â Ãric, tu viens de lancer dans des conditions affreuses. Et nous savons tous les deux que tu ne retrouveras pas la forme du jour au lendemain. Nous avons une longue saison à disputer. Prends ça un jour à la fois. Tu dois remonter les échelons un par un.
Je ne lâécoutais plus. Dans ma tête, le sort en était jeté.
Jâai téléphoné à Valérie pour lui annoncer que lâexpérience de Québec était terminée et que je raccrochais gant et souliers à crampons. Elle mâa conseillé de ne pas prendre une décision aussi importante sur un coup de tête et dây réfléchir pendant quelques jours.
Quarante-huit heures plus tard, lâéquipe était toujours à Nashua. Et comme Michel me lâavait recommandé, je me suis présenté au monticule dâexercice. à son avis, il suffisait de corriger certains détails techniques pour me remettre sur le droit chemin.
Cette séance dans lâenclos a finalement été le théâtre dâune conversation à trois qui fut assez musclée.
Ãa faisait une dizaine de minutes que je lançais des balles. Pierre-Luc était accroupi derrière le marbre. Michel analysait mon élan.
Et je mâattardais sur mon changement de vitesse. Câest ce lancer déroutant et unique, que jâavais baptisé le Vulcan change - up , qui avait en grande partie été responsable des succès que jâavais connus dans les majeures.
Jâétais convaincu quâen parvenant à lui redonner son lustre, mon changement de vitesse allait me permettre de redevenir dominant. Michel et Pierre-Luc nâétaient absolument pas dâaccord avec mon plan.
Plus je lançais des changements de vitesse, plus je me fâchais.
â Câlice, ça veut pas revenir! Ãa veut pas revenir!
La voix de Pierre-Luc sâest lors faite entendre.
â Ce pitch -là , en passant, il est pourri, a-t-il laissé tomber.
â Pardon?
Le ton de nos voix sâest alors élevé dâun cran, mais toujours de façon respectueuse. Chacun allait droit au but parce quâil nây avait plus de temps à perdre. Au diable les susceptibilités!
â Regarde, Ãric. Tu essaies de lancer comme tu le faisais quand ta balle rapide voyageait à 95 milles à lâheure. Mais ce nâest plus le cas. Dans le passé, tu déstabilisais les frappeurs en faisant
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