Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
a retenti dans les haut-parleurs du stade.
Les responsables de lâanimation mâavaient demandé la permission dâutiliser ma chanson fétiche dans cet ultime match si jamais lâoccasion sây prêtait. Et comme il sâagissait dâune journée très spéciale, jâavais acquiescé. Câétait la première fois depuis mon départ de Los Angeles que jâacceptais que lâon refasse jouer ma chanson.
Je croyais quâon avait atteint la limite mais Welcome to the Jungle a survolté encore plus la foule. Câétait du délire. Tout le monde était debout et hurlait à chaque lancer. Les gens ne sâétaient pas rassis depuis la septième manche et ils en redemandaient! Ils étaient déchaînés.
Dans lâabri, tous les joueurs et entraîneurs étaient aux avant-postes. Jâavais les larmes aux yeux, des papillons dans lâestomac.
Je me suis alors laissé transporter par la vague. Jâai embarqué et je me suis dit que je recommençais à zéro, que jâallais préserver ma propre victoire. Avec la musique et le délire de la foule, câétait comme si je faisais un bond dans le temps. Je me sentais comme à lâépoque des Dodgers, en présence de 56 000 partisans.
Après deux retraits, le voltigeur de gauche des Tornados, Alex Pena, sâest présenté à la plaque. Et quand jâai atteint le compte de deux prises avec lui, jâai su que câétait la fin.
Il nây avait plus de mal de dos, dâépaule, de hanche ou de coude. Seulement un lancer à effectuer.
Mon dernier lancer.
Mon premier réflexe fut dâopter pour une balle glissante. Puis je me suis dit:
« Fuck la glissante! Je vais lancer le plus fort possible.»
Jâai pris une grande respiration et je me suis élancé en puisant tout ce qui me restait. Ma rapide était haute et le frappeur sâest élancé, en vain.
De lâabri et de partout sur le terrain, mes coéquipiers se sont précipités au monticule pour mâétreindre. Et spontanément, ils mâont hissé sur leurs épaules.
Câest à ce moment que jâai craqué. Après la descente aux enfers et toutes les épreuves que jâavais traversées, il ne pouvait y avoir de sensation plus grande que celle que je ressentais en tirant ma révérence de cette manière. En revivant cette émotion une dernière fois, après mon tout dernier lancer.
Les spectateurs étaient toujours debout. Ils applaudissaient et scandaient «Gaa-gné! Gaa-gné!» En même temps, chacun des membres de lâéquipe venait me servir une accolade ou une amicale tape dans le dos.
Le moment était trop intense. Il fallait que je sorte. Je me suis donc précipité dans le tunnel menant au vestiaire.
Après avoir félicité mes coéquipiers, Michel sâest rendu compte que je nâétais plus là . Quand il est venu me retrouver au vestiaire, jâétais couché par terre et je pleurais comme un enfant.
â Câétait ma dernière fois. Jâai tout donnéâ¦
â Ãric, tu ne veux pas venir saluer la foule?
â Je ne suis pas capable.
â Prends ton tempsâ¦
Jâai fini par me relever et jâai parcouru le tunnel en sens inverse. Michel marchait derrière moi. à lâautre extrémité, des dizaines de personnes mâattendaient en applaudissant. Et en arrière-plan, lâécho de la foule, qui scandait:
â Gaa-gné! Gaa-gné!
Dans notre maison en Arizona, Valérie écoutait Jacques Doucet décrire cette fabuleuse fin de match. Et elle regrettait amèrement de ne pas avoir fait le voyage.
Elle avait aussi regretté, au milieu de lâété 2004, dâêtre restée à la maison avec les enfants le jour où ma séquence historique de 84 sauvetages avait été brisée. Catastrophée, elle avait alors assisté par le truchement de la télévision à lâune des plus belles ovations jamais servies dans lâenceinte du Dodger Stadium.
Des gens lui ont parfois souligné quâil était dommage quâelle ait raté la plupart des plus beaux moments de ma carrière. Elle répondait alors en présentant lâautre côté de la médaille.
â Jâai peut-être raté les plus
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