Game Over - L’histoire d’Éric Gagné

je n’étais pas capable de me départir du sentiment de honte que j’avais ressenti dès l’instant où je m’étais retrouvé, la première fois, avec une seringue entre les doigts.
    D’un autre côté, du point de vue d’un joueur de baseball, l’utilisation des HGH était assimilable à une foule d’autres produits que nous consommions ou que nous avions consommés dans le passé, toujours dans l’intention de pouvoir nous entraîner davantage, de maximiser les effets de nos séances d’entraînement et de mieux performer sur le terrain.
    Dans mon cas, par exemple, depuis mon arrivée dans les majeures, j’avais presque toujours consommé de l’androsténedione, le même produit qu’utilisait Mark McGuire lorsqu’il avait battu le record de circuits de Roger Maris en 1998.
    L’androsténedione est une hormone stréroïdale produite par le corps humain et qui se transforme en testostérone. À l’époque, ce produit était considéré aux États-Unis comme un supplément alimentaire et on pouvait se le procurer normalement sur les tablettes de toutes les boutiques spécialisées et de toutes les pharmacies! Et avant que l’androsténedione apparaisse sur le marché, la plupart des athlètes consommaient de la créatine. C’était comme si de nouveaux produits apparaissaient périodiquement dans notre environnement et devenaient plus à la mode parce qu’ils étaient plus efficaces que les produits précédents.
    D’un point de vue éthique, et j’insiste là-dessus, je savais cependant que les HGH posaient problème. On ne pouvait pas s’en procurer à la boutique d’alimentation sportive ou à la pharmacie du quartier.
    Le débat entourant l’utilisation des HGH est d’ailleurs resté d’actualité pendant une assez longue période entre Valérie et moi.
    J’ai bouclé la saison 2002 avec 52 sauvetages, pulvérisant du même coup le record des Dodgers (44 sauvetages) qu’avait établi Todd Worrell en 1996. Et quelques semaines plus tard, le 2 novembre, par une belle journée ensoleillée, Val et moi nous sommes mariés à la charmante église catholique de la paroisse Saint-Henri, à Mascouche.
    Pour l’occasion, nous avions décidé de rédiger nous-mêmes nos vœux de mariage plutôt que de recourir à des formules déjà inscrites dans l’Évangile.
    Et ce jour-là, alors que nous étions face à face au pied de l’autel, devant Dieu et un parterre rempli d’amis et de membres de nos familles respectives, Valérie a glissé dans son allocution une formule dont personne d’autre que nous deux ne pouvait comprendre la signification.
    â€” Même si nos opinions ou nos décisions divergent les unes des autres, je vais te supporter dans ce que tu décideras, avait-elle annoncé d’un ton solennel.
    Cette phrase concernait précisément les longues discussions que nous avions eues au sujet de mon utilisation des HGH .
    Elle voulait me redire qu’elle n’était toujours pas d’accord avec ma décision, que son opinion était complètement différente de la mienne et que si elle avait été à ma place, elle n’aurait pas agi comme je l’avais fait. Mais comme nous étions en train de nous unir «pour le meilleur et pour le pire», elle avait aussi tenu à me faire savoir qu’elle allait assumer ce choix à mes côtés.
    La suite des choses a démontré qu’elle avait eu raison dès le début, en insistant sur le fait qu’en consommant des HGH , je m’étais coincé un doigt dans un engrenage dont il allait être difficile de m’extirper. Un engrenage, d’ailleurs, qui a ultimement fini par arracher mon bras.
    Ã€ l’aube du printemps suivant, en 2003, ma situation n’était plus du tout la même au sein de l’organisation des Dodgers. Un an auparavant, j’étais blessé et je me préparais à me battre pour mériter un poste de releveur au sein de l’équipe. Et il me fallait guérir rapidement pour livrer cette bataille.
    Douze mois plus tard, mon poste était assuré. J’étais devenu l’un des joueurs les plus populaires de l’équipe et je n’avais aucune