Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
convaincu.
Jâavais toujours envisagé la retraite comme une décision que jâallais prendre en mon âme et conscience. Jâavais toujours imaginé le moment de la retraite comme lâaboutissement dâune réflexion, un moment où lâathlète perd le goût de combattre et finit par sâavouer quâil nâest plus capable, que le temps est venu de quitter les stades et de rentrer sur ses terres. Sereinement.
à cause des HGH , je nâai jamais pu prendre cette décision. Je me suis fait indiquer la porte de sortie parce que mon corps ne parvenait plus à tenir le coup, alors que ma soif de compétition et mon enthousiasme étaient toujours intacts.
Les HGH étaient supposés me faire rajeunir en régénérant mes tissus. Ils mâont plutôt fait vivre en accéléré. Ils ont fait vieillir mes articulations plus vite que mon cÅur et mon désir de jouer.
Ma rapide atteignait déjà les 95-96 milles à lâheure de façon naturelle. Mais en surentraînant mon corps, jâai outrepassé mes limites. Mon bras nâétait peut-être pas fait pour lancer à 98 ou 99 milles à lâheure. En plus, je lançais plus de 80 manches par année, parfois étalées sur des séquences de trois ou quatre jours consécutifs. Câétait une charge énorme pour un releveur. Avec les séances dâentraînement de lâaprès-midi et les périodes dâéchauffement durant les matchs, ça équivalait presque à lancer tous les jours.
Un athlète doit savoir bien interpréter les signaux que son corps lui envoie pour rester en santé. Et dans mon cas, les HGH ont considérablement faussé ces signaux. Un lanceur soumis à une charge de travail comme la mienne aurait forcément eu besoin de repos et se serait senti obligé de lever le pied à un certain moment. Mais à cause des drogues, je me croyais toujours en meilleur état que ce que jâaurais normalement dû ressentir.
En raison de ces années qui mâont filé entre les doigts, la retraite est une étape de ma vie que jâai énormément de difficulté à apprivoiser. La plaie est encore si vive que je suis toujours incapable de regarder un match de baseball. Câest un sentiment qui finira probablement un jour par sâestomper, jâimagine.
Jâai commis des erreurs. Mon corps est meurtri. Ce qui est fait est fait et je ne peux rien y changer. Mais ce nâest pas tout. Les HGH ne mâont pas laissé que des séquelles physiques. Elles mâempêchent aussi de savourer la carrière que jâai connue.
Je sais â câest un fait â que jâai connu une carrière phénoménale. Mais je ne suis pas capable dâapprécier pleinement ma conquête du trophée Cy Young, ma série de 84 sauvetages consécutifs ou les autres succès qui mâont permis de signer quelques-unes des meilleures saisons de lâhistoire du baseball majeur et de me hisser parmi les meilleurs releveurs de tous les temps.
Jâai culpabilisé de la première à la dernière seconde durant la période où jâai consommé des HGH . Jâai vécu avec la honte. Et la publication du Rapport Mitchell mâa terriblement fait mal. Ce document mâa littéralement détruit.
Je sais à quel point jâai dû travailler et bûcher pour partir de Mascouche, me rendre dans les majeures et mây établir parmi les étoiles. Je connais tous les sacrifices que je me suis imposés, ainsi quâà ma famille, pour me rendre jusquâau sommet. Je sais que jâai toujours fait partie du groupe de joueurs qui sâentraînaient le plus fort pour en arriver à ces résultats.
Mais je suis à jamais marqué au fer rouge. Pour le reste de ma vie, et même plus tard parmi ceux qui sâintéresseront à lâhistoire du baseball, il y aura toujours quelquâun, quelque part, qui lèvera le doigt et qui diminuera ce que jâai fait en disant:
â Vous savez, Ãric Gagné jouait durant lâère des stéroïdes. Il a consommé des HGH â¦
Câest ce qui mâa fait le plus mal quand le Rapport Mitchell a été publié. Je savais que beaucoup de gens allaient croire que cette consommation de HGH était responsable des succès
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