Game Over - L’histoire d’Éric Gagné

C’était un gérant qui, par ailleurs, respectait beaucoup ses hommes.
    Il était lui-même parvenu à atteindre les majeures en tant que joueur, quoique brièvement. Il avait porté les couleurs des Cubs de Chicago en 1980 et en 1981. Tracy était un réserviste que les Cubs utilisaient à titre de voltigeur ou de frappeur suppléant. En deux saisons au sein du Show , il s’est présenté à la plaque 213 fois et a maintenu une moyenne offensive de ,249.
    Les gérants qui ont connu ce genre de carrière en tant que joueur sont souvent ceux qui respectent le plus le baseball et les hommes qui tentent d’y gagner leur vie. Jim Tracy incarnait parfaitement ces valeurs. Il respectait la game et tous ceux qui habitaient le vestiaire de son équipe. Il savait à quel point nous étions privilégiés d’être là où nous nous trouvions. Mais il savait aussi à quel point il était difficile de se rendre jusqu’au sommet de la pyramide et, surtout, d’y rester.
    C’était un homme calme qui essayait toujours de présenter à ses joueurs le côté positif des choses. Il était beaucoup plus du genre à nous demander de relaxer qu’à gueuler. Et j’appréciais ces traits de sa personnalité.
    â€” Éric, nous allons étudier la situation attentivement pour voir si ce serait possible de t’utiliser comme releveur. Mais, chose certaine, nous t’aimons beaucoup dans un rôle de partant. Voici donc ce que je propose: nous allons laisser le camp démarrer et voir comment la situation évoluera pour toi et nos autres partants. En cours de route, si on se rend compte que les autres sont en santé et capables de faire le boulot, nous tenterons des expériences durant les trois dernières semaines du camp afin d’identifier ceux qui sont le plus en mesure de nous aider en relève. Are you OK with that?
    J’ai quitté son bureau totalement satisfait. Je savais que d’une manière ou d’une autre, j’allais avoir une chance de me faire valoir et de mériter un poste. Et comme les détenteurs des postes de partants étaient à toutes fins utiles déjà identifiés, il était clair dans ma tête qu’à la fin du camp, j’allais être en lice pour un poste de releveur. Il ne me restait donc qu’à saisir cette chance lorsqu’elle allait se présenter.
    Comme il l’avait promis, Tracy m’a donc utilisé à titre de partant durant les deux premières semaines du camp. Puis graduellement, la longueur de mes séjours au monticule a commencé à diminuer. De cinq manches à trois manches, puis de trois manches à deux manches. Ensuite, au cours des deux dernières semaines, il m’a soumis au test ultime en me confiant des missions d’une seule manche, mais deux jours de suite. Clairement, il voulait voir comment j’allais réagir.
    Et comme prévu, je lançais encore plus fort le deuxième jour…
    Chaque fois que Tracy m’utilisait durant une seule manche, la vélocité de mes lancers grimpait et se maintenait constamment au-delà des 95 milles à l’heure.
    Pour la toute première fois depuis que j’avais atteint les ligues majeures, je sentais que je venais de dénicher un rôle qui me convenait à la perfection. Mentalement, je me sentais comme si ma carrière repartait à zéro. J’ai complètement fait le vide et j’ai rangé aux oubliettes tout ce que j’avais vécu comme partant. À mes yeux, cela n’avait plus vraiment de signification.
    D’ailleurs, à partir du moment où on a commencé à m’utiliser en tant que releveur, je n’ai plus accordé de point jusqu’à la fin du camp.
    Plus le camp progressait, plus j’avais confiance en mes moyens. Et les dirigeants des Dodgers étaient de toute évidence sur la même longueur d’ondes. Le 23 mars, à environ une semaine du début de la saison, Dan Evans a conclu avec les Expos de Montréal une transaction impliquant un total de quatre joueurs.
    Dans cet échange, les Dodgers se sont départis de Matt Herges, qui était jusque-là destiné à occuper un rôle important dans notre enclos des releveurs. Je me suis alors dit que les dirigeants de l’équipe étaient probablement en train de me faire une place. Et