Gauvain
chevaliers sont passés par ici à la recherche de l’épée, et nul n’est jamais revenu. – Moi, je reviendrai, dit Gauvain, je te le promets, mais à condition que tu m’indiques où je pourrai trouver la demeure de ce roi Gurgaran. » Le bourgeois lui montra la route qui conduisait au royaume de celui-ci. Gauvain l’en remercia vivement et, le cœur plus léger, força l’allure de son cheval.
Après avoir passé la nuit dans un ermitage, Gauvain se remit en route vers les terres du roi Gurgaran. Ce faisant, il pénétra dans la plus désagréable forêt qui fût, tout encombrée d’arbustes épineux et d’arbres déchiquetés, puis il parvint au bord d’une fontaine. Sa vasque se trouvait dans l’ombre, et tout autour d’elle s’élevaient des piliers de marbre rehaussés d’une bordure d’or et de pierres précieuses. Au pilier principal était suspendu un vase d’or au bout d’une chaîne d’argent et, au milieu de l’eau, se dressait une statue si merveilleusement sculptée qu’elle semblait vivante. Tourmenté par la soif, Gauvain s’arrêta et s’approcha de la fontaine. Mais dès qu’il eut mis un genou en terre pour boire, la statue s’enfonça dans les flots et disparut. Gauvain voulut alors prendre le vase d’or, mais une voix l’interpella : « Tu n’es pas le bon chevalier que l’on sert et que l’on guérit avec ce vase ! »
En se reculant, Gauvain aperçut un jeune clerc qui se dirigeait vers la fontaine. Tout de blanc vêtu, l’homme portait une étole sur son bras, et il tenait à la main un récipient d’or de forme carrée. Il s’approcha du vase d’or suspendu au pilier, en examina l’intérieur et, après avoir soigneusement rincé le récipient qu’il avait apporté, y vida le contenu du vase d’or. Là-dessus survinrent trois jeunes filles d’une grande beauté, toutes vêtues de blanc, et la tête recouverte d’un linge également blanc. L’une apportait du pain dans une coupe d’or, la suivante du vin dans une coupe d’ivoire, la dernière enfin des aliments dans une coupe d’argent. Elles s’approchèrent du vase en or qui était suspendu au pilier, et elles y versèrent ce qu’elles avaient apporté. Puis elles s’en retournèrent par où elles étaient venues, mais il sembla à Gauvain qu’elles n’étaient plus qu’une seule et même jeune fille. Alors il alla trouver le clerc qui remportait son récipient en or. « Puis-je te poser une question ? demanda-t-il. – Certainement, répondit le clerc. – Où vas-tu porter ce vase et son contenu ? – Ce n’est pas difficile, répondit le clerc. À des ermites qui vivent dans la forêt. » Gauvain n’insista pas et reprit sa route.
Au bout d’un moment, il passa devant la cabane d’un ermite. Celui-ci, qui se trouvait sur le pas de sa porte, le salua et lui demanda : « Où vas-tu de ce pas, seigneur chevalier ? – Au royaume de Gurgaran, répondit Gauvain. Est-ce le bon chemin ? – Oui, dit l’ermite, mais beaucoup de chevaliers sont passés par là, et ils ne sont jamais revenus. – Est-ce loin ? demanda encore Gauvain. – C’est tout près, dit l’ermite, mais le château où se trouve l’épée est bien plus loin. »
Gauvain passa la nuit chez l’ermite, et, le lendemain matin, il repartit de très bonne heure. Quand il fut parvenu sur les terres du roi Gurgaran, il entendit les habitants du lieu manifester une profonde douleur. Et comme un chevalier passait, se dirigeant à vive allure vers un manoir, il lui demanda pourquoi les gens pleuraient et se frappaient les mains de désespoir. « Seigneur, répondit le chevalier, je vais te le dire. Le roi Gurgaran n’a qu’un fils, et celui-ci vient d’être enlevé par un géant qui, entre autres graves préjudices, lui a également dévasté tout son royaume. Le roi a fait proclamer par tout le pays qu’à l’homme qui lui ramènerait son fils il donnerait une épée qu’il possède et qui est le plus précieux joyau de son trésor. Mais il ne s’est encore trouvé aucun chevalier assez hardi pour aller tenter l’aventure. Pourtant, le roi ressent maintenant moins de respect pour sa religion que pour celle des chrétiens, et il a fait dire que si jamais un chevalier chrétien venait à se proposer, il le recevrait volontiers. »
Tout heureux de ces nouvelles, Gauvain, après avoir remercié le chevalier, s’en alla tout droit au palais de Gurgaran. Dès qu’il y fut entré, on vint le prendre pour
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