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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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éperonna Gringalet droit dans la direction d’où provenaient les cris. Après avoir chevauché un certain temps et dévalé la pente d’un tertre, il aperçut la femme qui se lamentait. C’était une jeune fille, vêtue d’une belle robe blanche et montée sur un palefroi, d’une blancheur éclatante. Mais il vit tout de suite qu’elle ne subissait aucune violence. Nul ne se trouvait auprès d’elle. Intrigué, il piqua des deux et s’approcha. « Puisse Dieu t’accorder joie et honneur ! dit-il. Mais, par ce même Dieu tout-puissant, je te prie de me révéler le motif de ta désolation. D’où te vient ce désespoir ? Je t’engage vivement, si toutefois cela ne t’ennuie pas, à me le confier. »
    La jeune fille s’arrêta de pleurer. « Bien volontiers, seigneur, dit-elle. Un chevalier beau et vaillant m’aimait d’amour et je le lui rendais. Et il m’emmenait chaque fois qu’il s’en allait à l’aventure. Or, ce matin même, nous cheminions de concert dans ces parages quand retentirent à nos oreilles les plaintes déchirantes d’une jeune fille. La décision de mon ami fut aussitôt prise : il me laissa sur ce chemin et lança son cheval au galop pour courir s’informer de ce qui se passait, m’ordonnant de venir l’attendre ici même. Mais, avant de partir, il me confia l’un de ses éperviers qu’il chérit plus que tout au monde, moi excepté, du moins je le crois. Aussi me recommanda-t-il de veiller sur lui et d’en prendre grand soin. C’est alors, infortunée, que j’entrepris une grande folie. Malgré mon ignorance en matière de fauconnerie, je voulus nourrir l’oiseau. Or, tandis que je lui offrais un oiselet qu’il avait pris, il s’est débattu, défait de ses entraves et m’a échappé. À son retour, mon ami en perdra la raison et je ne sais de quelle extrémité il sera capable dans l’excès de son affliction. Il est en effet emporté, cruel et d’une telle dureté que, j’en ai bien peur, son amour pour moi risque de cesser. Et je n’ai personne à mes côtés qui puisse rappeler l’oiseau. Je suis vraiment trop malheureuse… ! »
    À la fois ému et amusé par le récit de la jeune fille, Gauvain assura celle-ci qu’il ne la quitterait qu’elle n’eût récupéré l’oiseau. Alors, tout heureuse de cette promesse, elle l’en remercia chaleureusement : « Seigneur, dit-elle, Dieu t’entende et t’accorde la grâce de réussir. Si tu y parviens, tu m’auras véritablement sauvée, et il ne sera jour de ma vie où je n’éprouve d’affection pour toi. – Indique-moi le cri de l’oiseau, dit Gauvain. Je vais l’appeler. » Mais il eut beau longuement s’employer à moduler le cri à destination de l’épervier qui s’était juché au sommet d’un chêne, ses efforts furent inutiles, l’oiseau n’en eut cure. Gauvain avança, recula, sans plus de résultat. Le seul élément favorable fut que l’oiseau ne s’éloigna pas, retenu comme il était par sa corde. Quand il se fut rendu compte qu’il s’époumonait en vain, Gauvain monta prestement dans le chêne, non sans s’être d’abord débarrassé de ses armes.
    Tandis qu’il s’y trouvait perché, le chevalier survint au grand galop. Il vit les armes à terre, au pied du chêne, le cheval, et demanda à qui ils appartenaient. « Au meilleur chevalier du monde, répondit la jeune fille, et au plus valeureux si je le compare à tous les autres, hormis toi. » Et, aussitôt, elle lui raconta comment il l’avait découverte en larmes, et pourquoi, puis comment il s’était offert afin de rattraper l’oiseau. Mais le chevalier entra dans une violente colère : « Espèce de garce, tais-toi ! s’écria-t-il. Tu mens à l’évidence, ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. Je sais trop comment prend le large qui veut celer sa fourberie. Me prends-tu pour un fou ou pour un niais en me contant semblable récit ? Pour se tirer d’embarras ; les femmes ont vite fait d’inventer une histoire, et l’on ne m’abuse pas là-dessus ! »
    Et, sans plus attendre, le chevalier saisit d’une main le palefroi blanc par la bride et, de l’autre, Gringalet. Puis, retournant vers la jeune fille, il lui jura que, de sa vie, il ne l’aurait plus pour compagne. Il l’abandonnerait là toute seule, en attendant qu’elle déniche un nigaud capable de se laisser séduire par ses grimaces. Enfin, après avoir accablé son amie des termes les plus injurieux, il se

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