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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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royaume.
    « Mes propos le rendirent fou furieux, et il me reprocha amèrement de le tenir en bien piètre estime. Il se compara lui-même à Samson le fort, trahi par son amie Dalila, et ajouta que les femmes ont toujours plus d’estime pour le bien d’autrui que pour le leur propre. « Puisqu’il en est ainsi, me dit-il enfin, puisque ton cœur s’est échauffé jusqu’à me marquer semblable mépris, je me charge de le refroidir. Pour expier le blâme que tu viens de m’infliger, voici quel sera ton châtiment : quatre jours par semaine, sous les yeux de tous, je te dépouillerai de tes vêtements, et tu te plongeras dans cette sinistre fontaine. Tu y resteras debout jusqu’au coucher du soleil. Et cette épreuve se poursuivra tant qu’aucun champion n’aura su me faire rendre les armes et me vaincre par la force ou m’étendre raide mort en duel. Je le jure solennellement, et tu peux informer tes amis. Mais je préviens les imprudents qui oseraient contester mon droit de te tourmenter : chaque fois que je serai vainqueur, je couperai la tête de mon adversaire et la ficherai sur un pieu près de la fontaine. » »
    Pendant que Gauvain écoutait ce récit, le roi de la Rouge Cité, qui n’était pas un rustre, s’était approché de la jeune fille à l’épervier. Il l’avait aimablement saluée et lui avait demandé, au nom de l’amitié et de la courtoisie, le nom du chevalier assez insensé et présomptueux pour venir s’entretenir par bravade avec son amie, quoiqu’il dût lui en coûter la vie. « Seigneur, répondit-elle, j’en atteste Dieu, je ne saurais te dire son nom. – Tu ne le connais pas ? – Par saint Thomas, je jure que je l’ignore. » Et elle lui raconta brièvement comment il l’avait trouvée dans le bois et dans quelles circonstances. Elle lui fit le récit de l’aventure sans daigner mentir d’un seul mot. Le roi de la Rouge Cité l’écouta attentivement, mais son étonnement ne faisait que croître. « Peu importe qui il est, dit-il enfin. Il devra payer son audace. »
    Mais Gauvain, nullement impressionné par tout ce qu’il venait d’apprendre, disait à la jeune fille : « Belle, tout cela a assez duré. Tu vas maintenant sortir de la fontaine. Je jure devant Dieu que jamais plus tu n’y entreras, aussi longtemps que je serai en vie et en bonne santé ! » La jeune fille sortit immédiatement de la fontaine et s’empara de ses vêtements qui gisaient pêle-mêle près de là. Le roi-chevalier, de toute la puissance de sa voix, interpella Gauvain avec insolence : « Cette conversation va te coûter bien cher, sois-en sûr ! – Seigneur, répondit calmement Gauvain, menace tant que tu veux, ce n’est pas moi qui m’enfuirai pour si peu. Si quelqu’un souhaite se mesurer à moi, il me trouvera en ce lieu, tout disposé à me défendre. Je suis prêt. »
    Sans attendre davantage, les deux hommes se défièrent et engagèrent le combat, se ruant l’un sur l’autre au galop de leurs chevaux. De leurs fers acérés, ils s’assenèrent de terribles coups sur leurs boucliers, tant et si bien qu’ils les percèrent et les disloquèrent. Les lances, fendues, se rompirent, volant tout autour en éclats. Aucun des deux ne se laissa pourtant désarçonner, et le roi de la Rouge Cité fut fort dépité et peiné de n’avoir pu abattre son adversaire. Il tira sa bonne épée tranchante et, en frappant Gauvain avec acharnement, de haut en bas, sur le heaume qui étincelait, le lui fendit jusqu’à la coiffe. Et peu s’en fallut qu’il ne le renversât ; mais Gauvain savait tenir bon. À son tour, il fonça et frappa le roi-chevalier si rudement au plus haut du bouclier qu’il le rompit à l’endroit de la boucle, déchirant bien mille mailles du haubert. Avec une rare violence, la lame descendit encore, entre l’arçon et le cavalier, tranchant tout net le feutre et l’ensemble du harnachement, blessant le vigoureux destrier. Le roi-chevalier fut projeté à terre.
    Il ne fut pas long à se relever. « Par saint Devy ! s’écria-t-il, ce coup-là n’était pas d’un novice ! Il faut qu’il n’éprouve guère d’amitié pour moi, celui qui vient m’assaillir de la sorte ! Mais, maintenant, montre-moi la noblesse de tes manières : mets pied à terre comme moi. Si tu refuses, sache seulement qu’il en coûtera la vie à ton cheval, et sa mort ne te fera guère honneur. » Gauvain comprit que son adversaire irait jusqu’au

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