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George Sand

George Sand

Titel: George Sand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elme Caro
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vie de Lucrezia, même sur ce passé qu'on ne lui a pas caché ; les difficultés commencent ; tout s'assombrit dans cette âme où le soupçon est entré ; la vie entre ces deux êtres n'est plus qu'un long orage. Comment naît la jalousie, comment elle jette son poison secret dans les rapides joies de ce bonheur, étonné d'abord de lui-même, comment elle le corrompt sans le détruire, produisant les courtes folies, les angoisses délirantes, les fureurs qui éclatent ou celles qui tuent par de longs silences, comment les ruines morales s'accumulent sous les coups d'un insensé, jusqu'au dénouement fatal, vulgaire et poignant, voilà ce que raconte ce livre avec une logique de déductions, une sûreté de traits, une profondeur d'analyse qui trahissent la vie observée de près et profondément sentie. La jalousie incurable du passé, voilà la maladie du prince Karoll.
    Les détails et la gradation du mal sont marqués avec une précision presque scientifique. Il a aimé cette femme, sachant tout, et, malgré tout, il l'a aimée quand elle n'était plus ni très jeune ni très belle, en dépit d'un caractère qui était précisément l'opposé du sien, et n'ayant pu prendre jamais son parti de ces moeurs imprudentes, de ces dévouements effrénés, de cette faiblesse d'un coeur jointe à cette hardiesse d'un esprit qui semblaient une violente protestation contre tous les principes et les sentiments sur lesquels il a vécu jusque-là. Il n'a jamais pu pardonner à cette femme d'être si différente de lui-même. Il la poursuivra de sa folie croissante et devenue à la fin presque furieuse jusqu'au jour où Lucrezia tombe, sans avoir, une seule heure, inspiré de confiance à son étrange amant, sans avoir conquis son estime, sans avoir cessé d'être aimée de lui comme une maîtresse, jamais comme une amie.—Que ceux qui refusent à George Sand la faculté d'analyse relisent ce roman et qu'ils disent s'il n'y a pas là une admirable et profonde étude de passion, si chaque page n'est pas écrite avec une observation ou un souvenir ?
Ce qui a donné le change sur l'absence prétendue de la faculté d'observation chez George Sand, c'est qu'il arrive un moment, même dans ses plus belles fictions, où le romanesque s'introduit à forte dose dans le roman, l'absorbe tout entier et efface tout le reste.
    Le romanesque, c'est l'exaltation dans la chimère : il marque l'âge d'une génération et la date d'un livre ; il se reconnaît à la manière d'aimer (surtout à la façon de dire que l'on aime), à la manière de concevoir et d'imaginer les événements, à la manière plus ou moins agitée et surexcitée d'écrire. Un maître de la critique, M. Brunetière, a marqué fortement ces traits : «... Cette façon forcenée d'aimer fut celle de toute la génération romantique. Tout le monde n'aime pas de la même manière, et chacun a la sienne ; mais les romantiques ont aimé comme personne avant eux n'avait fait, ni depuis... Certes, Indiana, Valentine, Lélia même et Jacques sont de curieuses études de l'amour romantique. George Sand, selon son instinct, n'a pris, dans la réalité, qu'un point de départ ou d'appui, qu'elle quitte aussitôt pour revenir au rêve intérieur de son imagination... Il y a dans ces romans une partie romanesque et sentimentale qui a étrangement vieilli [Revue des Deux Mondes, Revue littéraire, 1er janvier 1887.].»
Prenons, dès les débuts, deux des oeuvres les plus célèbres, Valentine et Mauprat, et voyons comment ce jugement se vérifie, et aussi comment le pronostic se réalise. Dans chacune d'elles il y a une matière riche, neuve, variée, d'invention naturelle, et aussi semblable au vrai qu'il est possible, mêlée bientôt à des exagérations de caractères ou de détails qui étonnent ou révoltent l'imagination la plus docile et la plus crédule. Que la ravissante Edmée aime son cousin Bernard, qu'elle l'ait aimé dès sa rencontre avec lui dans la société épouvantable des Mauprat, qu'elle ait tacitement choisi ce rustre, ce sauvage qui sait à peine signer son nom, qu'elle ait pris à tâche de le civiliser pour le rendre digne d'elle, qu'elle ait réussi enfin, à force de dévouement actif et silencieux, à en faire un vaillant homme, un honnête homme, en l'élevant jusqu'au niveau de son coeur, tout cela, c'est le roman même, et quel beau, quel noble roman !
    Mais à travers ce courant divers ou mélangé de deux existences, séparées à l'origine

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