Gisors et l'énigme des Templiers
des Templiers.
Or, non seulement figurent des femmes parmi eux, mais on y reçoit des garçons
et des filles quand ils sont encore enfants. Cela paraît contraire à l’usage du
Temple, malgré le témoignage du frère Ponsard de Gisy, précepteur de la maison
de Payns, le 27 novembre 1309 : « Item, les maîtres qui
créaient des frères et des sœurs du Temple faisaient promettre auxdites sœurs
obéissance, chasteté, pauvreté, et lesdits maîtres leur promettaient foi et
loyauté comme à leurs sœurs… Item, quand lesdites sœurs étaient entrées,
lesdits maîtres les dépucelaient et les autres sœurs, qui étaient d’un certain
âge et qui pensaient être entrées dans l’Ordre pour sauver leur âme, il fallait
que les maîtres en fissent de force leurs volontés ; et lesdites sœurs en
avaient des enfants ; et lesdits maîtres faisaient de leurs enfants des
frères de l’Ordre. » Il est vrai qu’on a vu mieux dans certains couvents
du Moyen Âge et de la Renaissance. On possède sur ce sujet des témoignages
variés et accablants, et il suffit de lire Rabelais pour se rendre compte que
ce n’était pas toujours de la médisance. Mais la déposition de Ponsard de Gisy
est plus que suspecte, car elle a été obtenue sous la torture. Cependant, comme
il n’y a jamais de fumée sans feu, on peut se demander dans quelle mesure les
« aveux » du frère Ponsard ne recouvrent pas des abus constatés dans
certains établissements templiers.
Cela dit, l’Ordre du Temple n’a jamais été ouvert aux
femmes. C’est même pour cette raison que les Templiers avaient la réputation de
pratiquer l’homosexualité. Pourtant, le Temple a parfois
associé des femmes à son action . Ainsi, lorsqu’une veuve, seule et sans
enfant, voulait se donner au Temple, elle était la plupart du temps acceptée,
mais comme donat, c’est-à-dire comme membre extérieur apparenté, ne participant
pas à la vie conventuelle. On cite à ce propos l’exemple d’une femme noble du
Roussillon, nommée Azaïs, qui fit don à l’Ordre de son fief et promit de servir
les Templiers, exactement comme le faisaient de nombreux artisans, cultivateurs
ou ouvriers de l’époque. Dans quelques documents, on nous parle de « sœurs
de l’Ordre », mais si l’on se réfère au contexte, on s’aperçoit qu’il
s’agit de femmes ayant prononcé des vœux monastiques devant un évêque et
associées au Temple. C’est tout. Il n’y a là rien qui soit en contradiction
avec la défense absolue faite aux frères Templiers de fréquenter des femmes. Il
n’empêche que les détails racontés par Wolfram von Eschenbach restent fort
troublants, et d’autant plus que tout le récit du Parzival ,
tournant autour d’une blessure honteuse reçue par le
roi Amfortas, coupable d’avoir aimé une femme indigne de lui, baigne dans une
bizarre atmosphère où la sexualité se mêle allègrement à la mystique.
Mais ce qui est très important ici, c’est la façon
mystérieuse, et en tout cas magique, dont sont recrutés les nouveaux gardiens
du Graal. Il semble que ces Templiers soient membres d’une société
particulièrement fermée, et très secrète. Il ne s’agit pas d’une caste, qui
supposerait l’appartenance par la naissance, ni d’un collège, qui supposerait
un choix par cooptation, ni même d’une confrérie, qui supposerait, comme chez
les Templiers, une admission sur mérites retenus par les autres membres de la
société. Le choix s’opère ici de façon magique et ne dépend en aucune manière
des gardiens du Graal. Les Templiers de Wolfram sont des Élus selon
des critères inconnus, et destinés à accomplir des missions tout aussi
mystérieuses. Il s’agit donc bel et bien de ce qu’on appelle un corps d’élite . Cette idée, transparente dans tout le récit de
Wolfram, a été amplifiée par Wagner dans son opéra Parsifal :
il n’est pas surprenant, dans ces conditions, que Parsifal ait été l’œuvre favorite d’Adolf Hitler, et que celui-ci ait projeté de le
faire représenter le jour de la victoire finale du III e Reich.
Les connotations de ces Templiers de Wolfram sont fort inquiétantes, car elles
évoquent immanquablement certaines sections spécialisées très à l’honneur au
temps du nazisme. On ne peut s’empêcher également de penser aux sociétés
secrètes, du genre de celle de Thulé, qui ont précédé la montée du nazisme et
qui en ont été la charpente idéologique et
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