Gisors et l'énigme des Templiers
en marge de la légalité, ne l’ayant point enrichi, il
se fit engager en 1929 comme guide-jardinier du château de Gisors. C’était une
situation de tout repos, surtout à l’époque, et qui allait lui permettre de
donner libre cours à sa passion favorite. Il n’était pas sans savoir qu’il
existait des souterrains sous la forteresse et dans la ville de Gisors. Il fit
des fouilles, mais toujours de façon clandestine, et sans révéler ce qu’il
mettait au jour. Il prétendra d’ailleurs avoir été encouragé dans ses activités
de chercheur par le clergé local. Mais cette affirmation n’a jamais reçu
confirmation. Selon ce qui ressort de tous les témoignages, Roger Lhomoy était
un paysan un peu fruste, mais sincère et têtu, quelque peu illuminé et naïf,
prenant souvent ses désirs pour des réalités. Ceux qui l’ont connu gardent de
lui un souvenir ému empreint de sympathie. De toute évidence, c’était ce qu’on
appelle un « brave homme ». Mais les activités qu’on lui a prêtées
sont tellement suspectes qu’il est difficile de démêler la réalité de
l’affabulation, et quand on parle de lui mieux vaut employer le conditionnel.
À la Libération, Roger Lhomoy se serait livré à des fouilles
systématiques encore que nocturnes et solitaires sous le donjon du château. Il
savait que, pendant l’Occupation allemande, la Wehrmacht y avait installé un
dépôt de quinze mille litres d’essence et un atelier de réparations de chars
d’assaut. Pour ce faire, les Allemands avaient exécuté des travaux, et
peut-être à cette occasion, fait quelque découverte fortuite. Toujours est-il
qu’en 1944, une mission militaire venue d’Allemagne serait arrivée à Gisors
dans le but d’explorer le sous-sol du donjon. Ce fait n’a jamais pu être prouvé
officiellement ; en tout cas les fouilles ne furent jamais entreprises,
peut-être à cause de la débâcle allemande de l’été 1944. D’autre part,
pendant l’Occupation, dans une salle située sous le donjon, la Salle du
Tournoi, des collaborateurs, sans doute des miliciens, auraient torturé puis
fusillé vingt-sept résistants qui appartenaient à un réseau dirigé par un
jockey de Neaufles-Saint-Martin, d’origine anglaise. Cette ténébreuse affaire
n’a jamais été vraiment élucidée, mais il paraît surprenant que des résistants
aient été fusillés à l’intérieur du château, et surtout par des Français, alors
que les Allemands occupaient le château : ce sont eux qui préféraient se
charger du travail, et à l’extérieur. Tout cela montre dans quelles conditions,
et dans quelle atmosphère particulière, Roger Lhomoy a accompli ses recherches.
Roger Lhomoy a prétendu avoir remué des mètres cubes et des
mètres cubes de terre et creusé une galerie verticale le long de l’ancien
puits, jusqu’au jour où un éboulement aurait failli lui coûter la vie. Il s’en
serait tiré avec une jambe cassée, et aurait ensuite repris ses recherches en
creusant d’autres galeries, horizontales celles-là, et partant du pied de la
motte. D’après ses dires, c’était une véritable taupinière, un labyrinthe de
boyaux qui n’étaient évidemment pas étayés, très étroits et impraticables pour
une personne de taille normale. On peut s’étonner que Lhomoy ait pu pratiquer
de tels travaux sans être enseveli par d’autres éboulements, puisqu’il ne
prenait, semble-t-il, aucune précaution particulière. On peut également être
très sceptique si l’on songe qu’un individu normal risque très vite l’asphyxie
en s’engageant dans de tels souterrains et en y restant longtemps.
Cependant, un jour de mars 1946, Roger Lhomoy se serait
présenté devant le conseil municipal de Gisors, en affirmant qu’il avait
découvert une chapelle souterraine. Voici le récit qui lui est prêté :
« Je viens de découvrir, sous le donjon, une chapelle
romane en pierre de Louveciennes, longue de trente mètres, large de neuf, haute
d’environ quatre mètres cinquante à la clef de voûte. L’autel est en pierre
ainsi que le tabernacle. Sur les murs, à mi-hauteur, soutenues par des corbeaux
de pierre, se voient les statues du Christ et des douze apôtres. Le long des
murs, posés sur le sol, se trouvent dix-neuf sarcophages de pierre de deux
mètres de long et soixante centimètres de large. Et dans la nef, il y a trente
coffres de métal rangés par colonnes de dix. »
Il y a là de quoi faire
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