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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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plus tard, vont se retrouver au banc
d’infamie.
    Le tournant décisif date de la bulle Omne
datum optimum lancée en 1139 par le pape Innocent II, et qui
confère à l’Ordre des privilèges exorbitants, tout en modifiant certaines des
règles adoptées par le concile de Troyes. Il existe d’ailleurs une énigme à
propos de ces règles : en 1128, elles étaient rédigées en latin ; or
voici qu’elles réapparaissent en français, et que certaines d’entre elles, dans
leur rédaction française, ne correspondent pas au texte latin .
On ne peut tout de même pas soupçonner les clercs du Moyen Âge de ne pas savoir
traduire correctement des textes latins !
    Cette nouvelle règle, rédigée en français, précise un
élément capital : « Tous les commandements qui sont dits et écrits en
cette présente règle sont à la discrétion et à l’égard du maître. » Cette
phrase ne figure pas dans le texte latin. On comprend bien pourquoi :
d’après les statuts de 1128, l’Ordre relevait de l’autorité du patriarche de
Jérusalem, et la bulle papale avait libéré le Temple de cette tutelle,
conférant ainsi une autorité absolue au grand-maître, en l’occurrence à Robert
de Craon. Le patriarche est donc proprement évincé, et avec lui toute la
hiérarchie séculière : la version française des Règles intègre comme
membres à part entière de la milice du Temple les clercs, autrefois étrangers à
l’Ordre, et maintenant frères chapelains relevant de l’autorité exclusive du
grand-maître, lequel n’est pas un prêtre, mais un simple moine. Le moins que
l’on puisse dire, c’est que, avec l’accord explicite du pape, le Temple
devenait un organisme totalement indépendant de la hiérarchie ecclésiale,
allant même jusqu’à conférer le pouvoir suprême à un non-prêtre. Dans ces
conditions, on peut toujours se demander ce qui se passait lors des cérémonies
religieuses célébrées dans les sanctuaires particuliers du Temple, réservés
uniquement aux membres de l’Ordre, et dont les officiants étaient des prêtres
relevant de la seule autorité du grand-maître. Cela a donné lieu à quantité
d’interprétations, voire d’affabulations, qui seront reprises lors du procès de
1307, en particulier l’accusation portée contre les prêtres de l’Ordre
d’omettre les paroles de la consécration.
    Ce n’est pas tout. On sait que la règle latine prévoyait un
temps de noviciat pour ceux qui désiraient devenir Templiers. Il était bien
clair que nul ne pouvait être admis au Temple qu’après « le terme de sa
probation ». Or la version française n’en parle même plus. Faut-il croire
que n’importe qui, ayant manifesté son désir de rejoindre la Milice du Christ,
et ayant satisfait aux conditions requises, pouvait être reçu dans
l’Ordre ? Il s’agit bel et bien d’une rupture avec l’ancienne règle,
puisque, primitivement, on devait faire la preuve de sa noblesse et de son
renoncement aux privilèges de cette noblesse avant d’entrer dans la communauté,
alors que, désormais, c’est en entrant dans l’Ordre qu’on acquérait gloire et
noblesse. Il y a là quelque chose de troublant et qui accrédite quelque peu
l’accusation faite au Temple d’être devenu un organisme de type initiatique.
    Une autre importante modification concerne l’article 12
de l’ancienne Règle. Le texte latin dit ceci : « Là où vous saurez
que sont assemblés des chevaliers non excommuniés, nous
vous commandons d’aller. » Il s’agit du recrutement de nouveaux membres
parmi les chevaliers du siècle. Or, la version française supprime la négation,
ce qui contredit formellement la version latine : « Là où vous saurez
que sont assemblés des chevaliers excommuniés, nous vous commandons
d’aller. » Et ce n’est pas une erreur, car le texte continue ainsi :
« Et s’il y en a un qui veut rentrer et s’adjoindre à l’Ordre de
chevalerie des parties d’Outre-Mer, vous ne devez pas seulement considérer le
profit temporel que vous pouvez en attendre, mais aussi le salut éternel de son
âme. Nous vous commandons de le recevoir à la condition qu’il se présente
devant l’évêque de la province, et fasse part de sa résolution. Et, quand
l’évêque l’aura entendu et absous, s’il le demande au maître et aux frères du
Temple, si sa vie est honnête et digne de la compagnie de ces derniers, et s’il
semble bien au maître et aux frères,

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