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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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qu’il soit reçu avec miséricorde. »
    Certes, cela est en parfait accord avec la charité
chrétienne et témoigne des plus louables intentions. Mais on s’est saisi de ce
détail pour démontrer la lente corruption qui s’était emparée du Temple,
justifiant ainsi les réactions du début du XIV e  siècle.
Ce n’est peut-être pas faux, mais il convient de l’examiner avec précaution. En
effet, les trois articles 11, 12 et 13 de la version française, qui
correspondent aux articles 58, 64 et 57 de l’ancienne règle latine,
forment un tout cohérent au sujet de l’admission de nouveaux membres dans
l’Ordre. L’article 11, en particulier, traite du cas des chevaliers
séculiers, ou des autres hommes qui veulent « se séparer de la masse de
perdition et abandonner ce siècle, et choisir votre vie commune ».
L’admission est laissée à l’appréciation du grand-maître et des frères réunis
en chapitre. L’article 12 concerne donc les chevaliers excommuniés qui
peuvent être admis dans l’Ordre s’ils sont réconciliés avec l’Église. L’article 13,
en dehors de ce cas précis, interdit toute fréquentation des excommuniés.
    Il subsiste néanmoins quelques obscurités. Si l’on prend
pour base la règle latine, on remarque que, dans l’article 58, les
chevaliers séculiers sont reçus directement par le grand-maître et le chapitre,
alors que dans l’article 64, les chevaliers non excommuniés ne peuvent
être admis qu’après avoir été entendus par l’évêque. Où est donc la différence
entre les chevaliers séculiers et les chevaliers non excommuniés ? Peut-être l’article 64 répare-t-il un oubli concernant
le rôle de l’évêque dans l’admission de nouveaux membres, avant la
reconnaissance de l’indépendance de l’Ordre vis-à-vis de la hiérarchie
séculière ? Mais cela n’est pas clair. Tout ce qu’on peut constater, c’est
que la nouvelle règle permet aux Templiers d’aller recruter où bon leur semble,
et pas forcément dans les meilleurs milieux. Il s’agit bel et bien d’aller
« pêcher en eau trouble » en portant la bonne parole auprès de
chevaliers excommuniés. Or, d’après ce que l’on sait, aux XII e et XIII e  siècles, les chevaliers excommuniés,
pour des raisons diverses (pillage d’églises, attaque de monastères, adultère,
mauvaise vie, félonie envers un seigneur, non-respect de l’autorité religieuse,
etc.), étaient innombrables dans toute l’Europe et en Palestine. Quel est le
roi de France, en dehors de Louis IX (et encore, cela a été tout
juste !), qui n’a pas été, au moins pour un temps, excommunié ? Il
faut d’ailleurs remarquer que les chevaliers excommuniés n’étaient pas
forcément les plus mauvais, bien au contraire.
    On doit reconnaître qu’il eût été stupide de se priver des
services de ces gens-là. C’était de plus conforme à l’idée première du Temple,
réaffirmée solennellement par Bernard de Clairvaux : conduire vers le
salut le chevalier pécheur en lui proposant une forme d’ascèse originale. Cette
modification de la règle ne faisait que conforter la vocation du Temple, à
savoir convertir et mettre au service de la Chrétienté tout entière une catégorie
sociale indocile par nature et parfois égarée. Mais il y avait évidemment là un
danger. Si le Temple devenait une structure d’accueil pour marginaux de la
société chrétienne, ne risquait-il pas de se transformer en une sorte de
« Légion étrangère » avant la lettre ? Le reproche qui a été
souvent fait aux Templiers d’avoir recruté des « têtes brûlées »
n’est pas totalement dénué de fondement. Il n’est, à ce propos, que de rappeler
certaines anecdotes, dont la plus caractéristique est celle de Geoffroy de
Mandeville.
    L’histoire se passe en Angleterre, pendant la guerre que se
livrèrent Étienne de Blois et l’impératrice Mathilde pour la couronne royale.
Geoffroy de Mandeville, un grand seigneur anglo-normand, tente de récupérer
trois châteaux dont sa famille a été jadis spoliée. Grâce à l’intervention
d’Étienne de Blois, il y parvient. Mais il intrigue aussi auprès de Mathilde.
Arrêté en 1143, il doit, pour recouvrer sa liberté, livrer tous ses châteaux.
Alors, il devient un véritable hors-la-loi, pillant et tuant sans retenue. Il
s’empare de l’abbaye de Ramsey et du territoire de l’île d’Ély. Blessé par une
flèche au cours de l’été

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