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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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tout, puisque le siège de l’Ordre était
en France, cela concernait les autorités françaises.
    Philippe le Bel est mis au courant des révélations d’Esquieu
de Floyrac. À ce moment, il sait déjà qu’il lui sera impossible d’obtenir la
réunion du Temple et de l’Hôpital et de devenir le grand-maître du nouvel Ordre
ainsi constitué. Il sait aussi que le Temple demeure un danger permanent pour l’autorité
du roi de France. Il doit donc soit prendre en main le Temple, soit le faire
disparaître. La première solution étant devenue impossible, il devra se
résoudre à la seconde. Et tous les moyens seront bons pour parvenir à ce
résultat.
    Se saisissant de l’aubaine, il fait procéder à une enquête
officieuse à Corbeil dans des milieux proches du Temple. Certes, il n’est pas
difficile de découvrir ici et là des transfuges de l’Ordre, voire des frères
exclus de l’Ordre pour leur inconduite, et ces marginaux, qui se trouvent
parfois dans des situations embarrassantes, sont prêts à tout avouer moyennant
rémission ou avantages. En tout cas, les déclarations d’Esquieu de Floyrac sont
confirmées, et Philippe le Bel semble décidé à aller le plus loin possible. Il
a des contacts avec le nouveau pape Clément V qu’il rencontre aux
cérémonies du couronnement, en novembre 1305, à Lyon.
    Clément V réagit aussitôt. Il voit nettement le danger.
La Papauté n’a aucun intérêt à ce qu’un procès public permette d’entrouvrir les
portes closes d’un Ordre déjà mystérieux par lui-même et qui recèle
probablement des secrets d’État touchant les royaumes et l’Église officielle.
Philippe le Bel n’a pas, lui non plus, tellement envie d’un procès qui
risquerait de faire resurgir certaines affaires oubliées dans les archives.
Mais il joue de cette menace pour arracher au pape sinon une condamnation, du
moins une mise en tutelle du Temple. Après tout, c’est le
pape, et seulement le pape qui est, après le grand-maître, le chef
tout-puissant de l’Ordre, il ne faut pas l’oublier . Philippe se livre
alors à un véritable chantage : qui sera le plus ennuyé de l’affaire, le
roi de France – qui n’y est pour rien – ou le souverain pontife, chef suprême
des Templiers ?
    La manœuvre est habile et Clément V ne s’y trompe pas.
Désireux d’enterrer proprement l’affaire, celui-ci convoque le grand-maître
Jacques de Molay, et reprenant les projets de ses prédécesseurs, il propose la
fusion des Templiers et des Hospitaliers en un nouvel Ordre. Ainsi pense-t-il
désamorcer le piège et donner satisfaction au roi de France tout en gardant les
mains libres, c’est-à-dire en continuant à tenir les rênes du nouvel organisme.
Il sait très bien qu’il s’agit seulement de gagner du temps, et que le problème
se reposera de façon plus aiguë encore lorsqu’il faudra choisir le grand-maître
du nouvel Ordre. Mais c’est la dernière chance du Temple.
    Or Jacques de Molay refuse obstinément toute idée de fusion
avec l’Ordre de l’Hôpital. On a diversement apprécié ce geste, qui ne traduit sans
doute pas seulement la position de Molay, mais celle de tout le chapitre de
l’Ordre. On s’est beaucoup interrogé sur le personnage de Jacques de Molay, et
il faut bien reconnaître que des zones d’ombre subsistent autour de celui que
certains considèrent comme un martyr et que d’autres regardent davantage comme
un imbécile.
    On ne connaît pas grand-chose de lui. Mais son comportement
semble si peu glorieux, et si peu en rapport avec les responsabilités qui lui
incombaient, qu’on s’étonne qu’il ait pu être choisi comme chef des Templiers.
Était-il seulement un prête-nom ? Qui se cachait derrière lui ?
Jacques de Molay était un des survivants de Palestine, à la différence de tant
de nouveaux frères de l’Ordre qui n’avaient pas connu l’Orient : car
l’Ordre recrutait toujours, même depuis la chute de Saint-Jean-d’Acre. Élu
grand-maître en 1295, il paraît avoir eu pour mission principale d’assurer le
repli de l’Ordre en Occident. Au moment de son arrestation, il avait
soixante-quatre ans. Le plus surprenant, c’est qu’il se présentera lui-même
devant la commission comme un « pauvre chevalier illettré ». Un
grand-maître d’un Ordre aussi important, ne sachant pas le latin, et peut-être
même illettré au sens moderne du terme, voilà qui est déconcertant. À quelles
intrigues devait-il son

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