Gisors et l'énigme des Templiers
connaîtront
jamais. » C’est le refus pur et simple de la doctrine officielle, refus
teinté d’un anticléricalisme encore très marqué par le Catharisme. Il est
toujours utile de flatter ceux qui adhèrent à une doctrine, fût-elle hérétique,
en leur démontrant qu’ils sont les seuls à bénéficier de la Vérité. C’est
réconfortant.
L’article 3 est plus important dans la mesure où il se
réfère à une notion qui sous-tend l’action historique de l’Ordre du
Temple : « Le temps est venu où l’on n’adorera le Père, ni à
Jérusalem, ni à Rome. L’esprit est Dieu et si vous êtes de Dieu, vous
l’adorerez en esprit et en vérité. » On sait par exemple qu’une secte de
néo-Templiers – une parmi beaucoup d’autres ! – se réunit chaque
18 mars, anniversaire du supplice de Jacques de Molay, et qu’au cours de
la cérémonie, on lance le fameux appel : « Qui défendra désormais le
Saint Temple ? Qui délivrera le tombeau du Christ ? » Cela sort
tout droit d’une légende qui concerne le cirque de Gavarnie, dans les Pyrénées.
Cette légende prétend que chaque 18 mars, précisément, le fantôme d’un
Templier dont le linceul est remplacé par le célèbre manteau blanc à la croix
rouge apparaît et lance un appel déchirant. Alors, six Templiers qui sont
ensevelis dans une chapelle, à proximité, se lèvent et répondent :
« Personne ! personne ! personne ! le Temple est
détruit ! » Cette belle et émouvante histoire n’est pas étrangère à
la phrase de l’article 3. On peut se demander en effet si les Templiers,
tout au moins ceux qui faisaient partie des initiés, ne pensaient pas que le
Tombeau du Christ était symboliquement partout, et que,
par conséquent, il n’était pas utile de conserver ou de reconquérir Jérusalem.
D’ailleurs, la suite de cet article est explicite :
« Sachez que tout ce que Jésus a dit par le vrai Christ, est l’esprit et
vie en Dieu. C’est l’esprit de Dieu qui vivifie, la chair de
Jésus ne peut servir à rien . » Dans ces conditions, pourquoi
s’acharner à conquérir le Tombeau de Jésus à Jérusalem ? C’est la mise en
doute du personnage historique et matériel de Jésus, et cela expliquerait le
reniement et le crachat sur la croix. Mais, répétons-le, ce texte est une
fabrication du XIX e siècle : il ne fait
qu’adapter certaines conceptions prêtées aux Templiers pour les mettre en
accord avec la doctrine de la Maçonnerie. Par voie de conséquence, cela
justifierait également l’omission des paroles de la consécration pendant la
Messe, puisque le hoc est corpus meum perd ainsi toute
signification.
L’article 4 renchérit sur le secret que les heureux
consolés sont seuls à connaître et qui « reste caché aux enfants de la
Babylone nouvelle, qui sera réduite en cendres et en poussières par les humbles
serviteurs de Dieu ». Assurément, si l’on en croit cette Règle secrète, le
but du Temple n’est pas la protection des pèlerins sur les chemins de Jérusalem,
mais la conquête du monde et l’établissement d’un royaume universel sur lequel
régnera le Grand Monarque. Philippe le Bel avait bien raison de vouloir en
devenir le grand-maître, et l’on comprend très bien que, ne pouvant s’assurer
la maîtrise de cette redoutable confrérie des « humbles serviteurs de
Dieu », il ait préféré la détruire plutôt que de risquer la voir tomber
entre d’autres mains. Mais le même article précise qu’aucun prince de ce temps
(lequel ?) ni aucun grand-prêtre n’a connu la Vérité. « S’ils
l’avaient connue, ils n’adoreraient pas le bois de la croix et n’auraient pas
brûlé ceux qui possédaient le vrai esprit du vrai Christ. » Là, c’est une
nette apologie du Catharisme et une allusion au bûcher de Montségur, à moins
qu’il ne s’agisse d’une vision « prémonitoire » de celui de Jacques
de Molay. Certes, les Cathares ont eu une attitude négative envers la croix et
le Crucifié. Ils ne reconnaissaient le Christ que sous sa forme éthérée, mais
non charnelle, et ils refusaient d’adorer un homme supplicié. En était-il de
même chez les Templiers ? La question se pose et n’a jamais été résolue.
Néanmoins, le reniement et le crachat sur la croix sembleraient le démontrer.
L’article 5, repris et complété par l’article 8,
est un véritable plaidoyer pour la fraternité universelle, absolument dans le
ton de la
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