Gisors et l'énigme des Templiers
plus grave : l’interdiction faite à tous les Templiers
de se confesser à d’autres prêtres qu’aux chapelains de l’Ordre, c’est-à-dire à
des prêtres appartenant au Temple et liés à lui par la même obligation du
secret. Le secret de la confession ne serait-il pas une loi générale dans
l’Église catholique romaine ? De deux choses l’une : ou bien le
Temple met en doute l’intégrité des prêtres de l’Église romaine, ou bien ce qui
peut être avoué en confession est intolérable pour un prêtre n’appartenant pas
à l’Ordre.
Au premier degré, cette interdiction ne peut que surprendre.
Un prêtre est toujours un prêtre, qu’il soit du Temple ou pas, et si, à
l’époque, les grands personnages avaient leur confesseur attitré, on n’en était
pas encore à l’institution des directeurs de conscience, avec tout ce que cela
comportait d’insinuations et de manœuvres d’intimidation. Au second degré,
cette interdiction ne peut que jeter la suspicion sur ce qui se passait
réellement à l’intérieur de l’Ordre. Comment se fait-il que seul un prêtre lié
à l’Ordre puisse donner l’absolution à un Templier ? Les accusateurs du
Temple, en 1307, n’ont pas manqué de tirer parti de cette pratique critiquable,
mais qui, dans une certaine mesure, se retrouvait dans d’autres ordres
monastiques, en tant qu’habitude, mais non comme obligation absolue.
Un autre point négatif pour le Temple se trouve dans
l’interdiction faite aux Frères de quitter l’Ordre. Quand on entrait dans
l’Ordre, c’était de façon définitive. Certes, on pouvait être exclu ou rejeté à
la suite d’une faute grave, mais c’était une punition, la fameuse « perte de
l’habit » qui était infligée à ceux qui s’étaient montrés indignes de leur
appartenance à la communauté. Toutes les sociétés pratiquent les exclusions,
les ordres monastiques également. Au Temple, en plus de l’exclusion, il y avait
aussi l’emprisonnement, toujours pour des fautes très graves. En somme, on se donnait au Temple, et on ne s’appartenait plus quand on
avait été reçu dans la communauté. C’est là le propre de tout engagement
religieux. Ce qui est particulier au Temple, c’est cette méfiance profonde affichée
par l’Ordre à l’égard de ceux qui voulaient le quitter. La bulle d’abolition en
fait un des « attendant » : « le serment demandé… de ne
jamais sortir de l’Ordre ». La conclusion est claire : si l’on
interdit à un frère de quitter le Temple, c’est pour éviter qu’il n’aille
raconter ce qui s’y passe. Effectivement, c’est auprès de transfuges du Temple
que les hommes de Philippe le Bel ont recueilli leurs informations, qu’elles
soient fausses ou authentiques. Mais c’est le propre de toute société initiatique d’interdire la sortie d’un de ses membres. Il ne
peut généralement le faire que sous condition expresse de ne rien révéler de ce
qui peut nuire à la société en question. Il en est ainsi dans tous les
groupements qui, de nos jours, se réclament d’une certaine forme d’initiation,
et il n’y a rien là qui puisse choquer. Mais dans ces conditions, il nous
faudra bien admettre, en dépit de ce que racontent certains historiens niant
résolument le côté obscur de l’Ordre, que le Temple était effectivement un Ordre
initiatique, même si cette « initiation », quelle qu’elle soit, ne
semble avoir été conférée qu’à certains de ses membres. On en viendra ainsi à
considérer le Temple comme un ordre initiatique, certes, mais également
élitiste, ou bien double , et l’on pourra supposer
l’existence d’un Ordre parallèle à celui qui s’affichait dans le siècle. À
partir du moment où l’on reconnaît que le Temple a constitué une organisation
plus ou moins secrète, toutes les hypothèses peuvent être avancées.
Ainsi en est-il de l’existence d’une Règle secrète, qui
aurait été seulement connue de certains membres de l’Ordre, et qui serait
parallèle à la Règle officielle, lue ou résumée, comme on sait, à chaque
nouveau Templier lors de sa réception. D’après certaines déclarations des
Templiers eux-mêmes, il est possible de croire en l’existence d’une Règle
secrète, celle-ci consistant en une refonte de la Règle primitive.
Lors de son premier interrogatoire, sans aucun recours à la
torture, Geoffroy de Gonneville, précepteur du Temple pour l’Aquitaine et
Weitere Kostenlose Bücher