Gisors et l'énigme des Templiers
avec tant de force l’autorisation d’avoir leurs propres chapelains,
c’est-à-dire des prêtres intégrés dans l’Ordre, puisque tout ce qui est
ecclésiastique roule plus ou moins « dans la boue de leurs crimes ».
Il faut croire que la Règle secrète du Temple n’en était pas à une
contradiction près.
L’article 13 traite de la procédure d’admission. On
peut y remarquer une phrase révélatrice de l’idéologie qui a inspiré la
rédaction de cette Règle. Le récepteur du nouveau Templier, après l’avoir
absous, « le délie de tous les commandements de l’Église au nom de Dieu
qui n’est pas engendré et qui n’engendre pas, au nom du vrai Christ qui n’est
pas mort et qui ne peut mourir ». Encore une fois, tout cela est en
rapport avec le reniement et le crachat sur la croix. Mais, dans aucun document
du procès, ne se trouve, de près ni de loin, une indication aussi précise de la
négation de Jésus en tant que « fils de Dieu ». D’où ce fait peut-il
sortir ?
On en a l’explication par la suite des articles 14 à 18
qui concernent les prières et les gestes à accomplir pendant la cérémonie
d’admission d’un nouveau membre. Nous sommes alors en présence d’un fatras
incroyable de notions gnostiques mal digérées par un occultiste du XIX e siècle qui n’en était encore qu’à apprendre son
alphabet. Tout y passe, et en complet désordre. Là, sans qu’il soit besoin de
recourir à de savantes déductions, repose la preuve absolue et définitive que
la Règle attribuée à maître Roncelin du Fos, et traduite quarante ans au moins
avant que ledit Roncelin ne l’ait écrite, est un faux.
Pourtant, cette Règle « secrète », à condition
qu’on ne la prenne pas pour argent comptant, est intéressante dans la mesure où
elle propose une interprétation de l’ hérésie des
Templiers. C’est une simple hypothèse de travail, et c’est ainsi qu’il faut la
considérer. Elle essaye même de trouver une explication logique à l’attitude
quelque peu lamentable du grand-maître Jacques de Molay. Il est dit en effet
dans l’article 20 : « Il est rigoureusement interdit de choisir
pour grand-maître un Consolé. » On se demande bien pourquoi, puisque, par
définition, le Consolé a atteint la parfaite connaissance, la parfaite Lumière.
Voilà qui est rassurant : Jacques de Molay n’était donc pas un Consolé. Il ne savait rien , d’où son comportement décevant. Mais cela
sous-entend aussi qu’il n’était pas le véritable patron de l’Ordre du Temple,
et qu’il existait donc une hiérarchie parallèle et secrète, ce que les divers
témoignages, au cours du procès, semblent indiquer de façon plus que probable.
Au demeurant, d’autres témoignages attribuent l’introduction
du « rite pervers » et par conséquent la rédaction d’une règle
secrète à Thomas Bérard, qualifié pour l’occasion de « mauvais
maître », qui fut grand-maître de l’Ordre de 1256 à 1272. D’après toutes
ces révélations, il semble que tous les Templiers étaient au courant du fait
qu’il existait une Règle secrète du Temple, mais qu’aucun d’eux ne savait de
quand elle datait exactement. De plus, aucun d’eux ne l’avait jamais vue, ni
lue, ou du moins le prétendait. Dans ce domaine, il vaut mieux se méfier de
tout et de tout le monde. Les paroles prononcées par les accusés, même sans
torture, sont toujours sujettes à caution, parce que les Templiers pouvaient
toujours répondre évasivement, ou même faire les « idiots ». Ainsi
est-on persuadé que, lors de son premier interrogatoire, le précepteur d’Aquitaine
et du Poitou Geoffroy de Gonneville, en attribuant au « maître »
Roncelin l’introduction des « rites pervers », a simplement voulu
aiguiller les enquêteurs sur une fausse piste. Comment aurait-il laissé
échapper si facilement un tel secret, pour se taire ensuite pendant sept ans et
ne plus jamais parler de cette affaire ?
Le texte publié en 1877 est un faux, répétons-le. Il est
même invraisemblable lorsqu’en codicille, il nous donne une prière bizarre à
Allah, et nous apprend que le cri de Yah Allah devait être
poussé en cas de danger. C’est tout simplement du syncrétisme. Et le plus
curieux est que cette règle secrète se détruit elle-même, car il est
écrit : « Les statuts secrets ne seront traduits dans aucune langue
vulgaire et ne seront jamais mis entre les mains des
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