Gisors et l'énigme des Templiers
frères. » Or, le
document qu’on prétend avoir retrouvé, et qui, paraît-il, fait partie des
archives du Vatican, est en langue française, c’est-à-dire en langue vulgaire.
Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’existait pas
une Règle secrète que seuls connaissaient certains frères, choisis sans doute
en raison de leurs capacités et détenteurs de responsabilités sur un plan
occulte. Le cas n’apparaît pas exceptionnel dans les sociétés dites
initiatiques et dans les ordres de chevalerie. La hiérarchisation provoque
évidemment une émulation qui peut être bénéfique à l’ensemble de la communauté.
De plus, la plupart des frères n’étaient visiblement pas en état de comprendre
certaines choses, surtout des abstractions. N’oublions jamais que le Temple
était avant tout un ordre combattant qui n’avait que faire de métaphysiciens et
de doux rêveurs. Cependant, ces moines-soldats devaient être conduits, et ceux
qui en avaient la charge possédaient nécessairement un degré de culture
supérieur, pour ne pas parler de leur intelligence.
Il y a donc un problème proprement irritant qui ne pourra
sans doute jamais être résolu : celui de savoir si, oui ou non, il
existait une hiérarchie parallèle. L’exemple de Jacques de Molay, visiblement
un incapable, accréditerait cette hypothèse. Il n’est en effet pas concevable
qu’un si piètre personnage ait pu être choisi pour diriger les destinées d’un
Ordre aussi important. Et, de toute façon, par son attitude, d’abord en
refusant la fusion avec l’Hôpital, ensuite par ses lamentables aveux, il a
conduit son Ordre au désastre. Nous sommes vraiment tentés de croire qu’il
n’était qu’un « homme de paille », et qu’au-dessus de lui, et connu
seulement de quelques-uns, il y avait un grand-maître réel, lequel agissait
dans l’ombre et que Jacques de Molay et les autres dignitaires – ce serait là
leur vrai mérite – n’ont jamais dénoncé, préférant l’ignominie, le bûcher ou la
prison. Si telle était la vérité, Jacques de Molay sortirait singulièrement
grandi du Purgatoire de l’Histoire.
Mais alors, s’il y avait un grand-maître occulte, et bien
entendu un chapitre non moins occulte (le grand-maître ne pouvait agir que s’il
avait l’accord des membres du chapitre), donc ce qu’on appelle une hiérarchie
parallèle, pourquoi n’est-elle point intervenue, ne fût-ce que de façon
occulte, bien entendu, par personnes interposées, pendant toute la durée du
procès ? À ce que l’on sait, personne n’a vraiment défendu l’Ordre, en
dehors de quelques personnalités isolées, et encore ne se sont-elles manifestées
que bien timidement. C’est à croire que le Temple n’était pas défendable. Ceux
qui sont convaincus de l’existence d’une hiérarchie parallèle expliquent cette
non-intervention par l’unique souci qu’elle aurait eu de faire disparaître le
Trésor et les archives. Après quoi, ladite hiérarchie aurait disparu sans
laisser de traces, sauf pour réapparaître, bien entendu, à l’époque moderne
dans des ordres néo-templiers ou apparentés qui prétendent tous, malgré leurs
divergences, être les vrais et uniques héritiers des chevaliers au blanc
manteau.
On devrait pourtant, avant de se lancer dans des
explications qui relèvent davantage du roman-feuilleton que de l’Histoire,
s’interroger sur ce grand-maître occulte, s’il a réellement existé. Mais les
circonstances dans lesquelles le procès des Templiers a été engagé, les doutes
et les incertitudes, les ambiguïtés qu’on relève chez les uns et les autres, le
jugement sévère et définitif que l’on porte à l’encontre de Philippe le Bel et
de Clément V, la fameuse malédiction de Jacques de Molay, si controversée
à juste titre, tout ajoute à la confusion.
Il y a pourtant un personnage clé dans toute cette affaire.
Il se trouve au premier rang de la scène et personne ne semble avoir fait
attention à lui. C’est tout simplement le pape .
L’hypothèse risque de faire bondir, mais elle n’est pas plus absurde que toutes
celles qui ont été émises autour de ce sujet. C’est en effet le pape qui,
statutairement, donc légalement, était le chef suprême de l’Ordre du Temple.
Cela a été dit et redit au moment de la fondation officielle du Temple, et
répété par Clément V lui-même, qui, ne l’oublions pas, a statué seul et
définitivement sur le sort de
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