Gisors et l'énigme des Templiers
petite
chapelle. J’étais seul avec un dignitaire qui me montre, près du tabernacle,
une tête. Il me dit de l’invoquer en cas de péril. Cette tête était recouverte
d’un linge fin. Je ne sais si elle était en ivoire, en métal, ou en bois. Je ne
l’ai vue qu’une seule fois. » Parfois cette tête prend des allures
fantastiques. Ainsi le frère Bernard de Selgues assure qu’à Montpellier, où la
tête était gardée, le diable ne faisait qu’un avec elle et lui apparut sous
forme d’un chat parlant en un langage d’homme. Et selon le frère Jean de
Nériton, ce matou satanique promettait à ses adorateurs d’abondantes récoltes,
beaucoup d’or et la santé. Il prétendit même avoir entendu un chapelain
dire : « Istud caput vester Deus est, et vester
Mahumet », c’est-à-dire « Voici votre Dieu et votre
Mahomet ». La référence à Mahomet en parlant d’une idole, voilà qui ne
manque pas de sel ! Cela fait penser à ce fameux passage de La Chanson de Roland où l’on voit l’émir Baligant et le roi
Marsile, deux bons « Sarrasins », dans un sanctuaire souterrain, en
train d’adorer trois idoles, Apollon, Mahomet et Tervagant, ce dernier étant le
Taureau aux Trois Grues des Celtes.
Alors, tête, diable, chat, monstre ? On reconnaît là
l’attirail familier de la sorcellerie de bas étage. Le moins que l’on puisse
dire, c’est que nous sommes en présence d’une image folklorique.
Pourtant ce célèbre Baphomet a fait
couler beaucoup d’encre, des torrents de littérature savante…
Qu’est-ce donc que ce Baphomet ?
Pour John Charpentier, qui est un remarquable connaisseur du problème des
Templiers, une hypothèse s’impose, celle d’une entente secrète entre l’Orient
et l’Occident symbolisée par une tête à deux visages, entente préparée par les
Templiers. Cette hypothèse, partagée par Victor-Émile Michelet, reprise par
Julius Évola et René Guénon, propose que les Templiers, du moins certains
d’entre eux appartenant à un cercle d’initiés, aient voulu unir dans une sorte
de « transœcuménisme » les sagesses de l’Orient et de l’Occident, de
l’Islam et de la Chrétienté. Le Baphomet en serait
l’image symbolique. Nous retrouvons là le fameux syncrétisme guénonien. Mais
pourquoi pas ? On peut aussi bien supposer que les Templiers ont été des
crypto-musulmans, des Soufis par exemple. Les
événements historiques s’opposent formellement à cette hypothèse, mais passons…
« Des érudits occidentaux ont supposé que Bafomet (ou Baphomet) pouvait
être une corruption de l’arabe abufihamat (ou bufihimat ) qui peut se traduire par « père de la
compréhension ». Dans la terminologie soufie, ral-el-fahmat (tête de connaissance) se réfère au processus mental de
l’initié [49] »
Voilà une explication qui en vaut une autre.
On s’est penché attentivement sur le sens du mot baphomet . Au début du XIX e siècle,
l’arabisant Sylvestre de Sacy a soutenu qu’il s’agissait d’une altération du
nom de Mahomet, ce qui évidemment souleva une tempête de protestations :
on ne pouvait pas concevoir une représentation anthropomorphique dans le culte
musulman, bien que Sacy ait trouvé dans un dictionnaire du XVIII e siècle le mot bahommerid pour
signifier « mosquée ». L’orientaliste allemand Hammer-Purstall a
soutenu que Baphomet provenait du mot arabe Bahoumid , signifiant « veau ». Il en conclut que la
Tête des Templiers se référait au culte du Veau d’or. L’interprétation est
pittoresque quand on songe que les Templiers étaient les plus grands banquiers
de l’Europe.
Mais comme le mot Bahoumid ne se
trouve dans aucun lexique, Hammer-Purstall changea vite de thèse. Il affirma
alors que le mot avait une origine gnostique et résultait du groupement de deux
mots grecs : baphé (baptême) et météos (initiation). Selon lui, cela évoquait une initiation par le feu. Tel n’était
pas l’avis de l’occultiste Victor-Émile Michelet. Pour lui, il s’agissait d’une
formule abrégée, Templi Omnium Omnium Pacis Abbas ,
autrement dit TEMOHPAB qu’il faut lire cabalistiquement de droite à gauche, en
retenant seulement, on se demande bien pourquoi, certaines lettres et pas
d’autres. Et sur le même principe, John Charpentier, partant du principe non
fondé que Saint Jean-Baptiste était le patron du Temple, a suggéré de réunir
Baptiste-Mahomet, en biffant, après la troisième
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