Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
bureau de la logistique à Vienne en commanderait deux mille cinq cents exemplaires.
    — Dans ces conditions, l’ Emporio della Poesia va se transformer en revue de propagande pour la monarchie des Habsbourg.
    — À laquelle j’ai prêté serment, comme tu l’as si bien rappelé tout à l’heure. En outre, je ne choisis pas mes clients.
    — Et que vas-tu faire quand la Vénétie sera rattachée à l’Italie ?
    — Tu ne vas pas t’y mettre à ton tour ! répliqua le commissaire. Le calme règne. Quelques individus se promènent avec une cocarde à la boutonnière, mais c’est tout.
    — Plus personne ne manifeste car tout le monde est convaincu que le départ des Autrichiens n’est maintenant qu’une question de temps.
    — Tu veux que je renonce à un tirage supplémentaire de deux mille cinq cents exemplaires juste parce qu’un jour nous dépendrons de Turin ?
    Elle haussa les épaules.
    — C’est à toi de savoir. En tout cas, ces poèmes militaires sont abominables.
    — Ils ont valu à Toggenburg une lettre bienveillante de François-Joseph. Il la sort à la moindre occasion. Spaur écume de rage et prépare sa vengeance.
    — Sous quelle forme ?
    — Il m’a promis une nouvelle.
    — Une nouvelle ?
    — Un court récit.
    — Je sais ce qu’est une nouvelle, répliqua-t-elle. Je croyais juste que l’ Emporio publiait seulement des poèmes.
    — En principe, oui, admit-il. Mais Spaur est fermement résolu à battre le commandant de place sur le terrain de la prose. Grâce à un bijou de style. Je dois en apprendre plus demain au cours d’un déjeuner au Danieli .
    — Quel sera le menu ?
    — Si je le savais d’avance, je me tuerais.
    La princesse s’empara de son étui à cigarettes et jeta un coup d’œil furtif par-dessus la table.
    — Si tu as de toute façon l’intention de te tuer, Alvise, tu pourrais peut-être commencer par t’introduire dans le palais Contarini.
    1 - Gâteau au chocolat viennois. ( N.d.T. )

13
    Le Danieli avait connu des jours meilleurs, estimait lord Duckworth. Non que le service et la cuisine se fussent dégradés : le chef de rang en queue-de-pie qui venait de le servir aurait satisfait aux exigences les plus sévères d’un club londonien et son tendron de veau était sublime. Mais le niveau de la clientèle avait incontestablement baissé. Ces cohortes de Russes et de Polonais avec leurs barbes immenses qui en prenaient à leurs aises dans le restaurant – une horreur ! Et ces Américains – de New Yaak et de Baasten . Rien que leur prononciation – une horreur ! Lord Duckworth se rappelait vaguement un événement désagréable arrivé à Baasten , une paardy qui avait très mal tourné. En traversant la salle pour gagner sa table, il n’avait repéré que deux couples d’Anglais. Le reste de la clientèle se composait d’étrangers – ce qui, par malheur, était difficile à éviter hors du Royaume-Uni, mais ne manquait pas de le gêner à chaque fois.
    Le comble était malgré tout les deux individus installés juste à côté de lui. Dans un premier temps, un homme rondouillard d’un certain âge avait pris place à la table voisine. Il portait un béret en velours dans les tons rouges qui se mariait à la perfection avec sa chemise bleu clair et sa cravate jaune à pois roses. Manifestement, il s’était déguisé en artiste. Puis quelques minutes plus tard, lord Duckworth avait vu apparaître – mais oui ! – l’individu à la redingote élimée qu’il avait rencontré le samedi précédent dans cette boutique de l’autre côté de la place. Tous deux s’entretenaient dans une langue qui n’était ni du français ni de l’italien et qu’il finit par identifier comme étant du polonais.
    Tout cela ne manquait pas de l’inquiéter, d’autant que le faux artiste à béret l’avait observé plusieurs fois à la dérobée. Lord Duckworth s’était efforcé de les ignorer, mais n’arrivait pas à s’empêcher de les surveiller mine de rien, incapable de résister à la fascination morbide qui se dégageait de ce couple de criminels. Peut-être étaient-ils en train de projeter un gros coup ici même, au Danieli ? Lord Duckworth se demanda s’il ne ferait pas mieux de confier la précieuse sanguine qu’il venait d’acquérir au coffre-fort de l’hôtel. Après mûre réflexion, il préféra l’idée de la dissimuler sous son matelas. Au bout du compte, il n’était pas exclu que le personnel soit de mèche avec les voleurs.

Weitere Kostenlose Bücher