Grands Zhéros de L'Histoire de France
sur mer, sur terre et partout ailleurs où ils exercèrent leur médiocrité…
II Zhér’eaux de mer, marins d’eau douce et autres naufrageurs…
Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout ; les malchanceux ceux à qui tout arrive.
Eugène Labiche.
Si l’histoire de la marine française présente quelques cas intéressants de navigateurs calamiteux, aucun d’entre eux ne semble en mesure de rivaliser avec le plus magistral des zhéros des mers, l’Espagnol Medina Sidonia (1550-1619), à l’aune duquel il conviendra de jauger avec lucidité et fair-play notre moisson de marins d’eau douce métropolitains.
Medina Sidonia
Au chapitre « Nullités historiques » de sa Grande Encyclopédie du dérisoire , Bruno Léandri qualifie Don Alonso Pérez de Guzman, marquis de Sanlúcar de Barremeda, comte de Niebla et duc de Medina Sidonia, de « cas le plus déchirant des nuls historiques, héros d’une des plus grandes gamelles de l’histoire » ; un titre qui, davantage que son patronyme à tiroirs, force l’admiration ! Un nul au demeurant tout à fait exemplaire, puisque contrairement aux zhéros classiques qui plastronnent et cherchent systématiquement à se justifier, lui se sait nul et totalement incapable de remplir la mission qui lui est assignée par le roi d’Espagne Philippe II, à tel point qu’il commence par la refuser ! Qu’attend-on de lui au juste ? Peu de chose en somme : qu’il prenne la tête de la plus grande flotte de toute l’histoire de la chrétienté pour se lancer à la conquête de l’Angleterre !
Espagne et Angleterre sont alors farouchement opposées sur le plan religieux et se livrent une âpre guerre commerciale. Au plan religieux d’abord, Philippe II, fils de Charles Quint, champion de la ContreRéforme, considère Elisabeth I re , reine d’Angleterre, comme une hérétique. Henri VIII, père d’Élisabeth, n’a-t-il pas substitué l’anglicanisme au catholicisme pour pouvoir épouser sa deuxième femme, Anne Boleyn, qu’il fera d’ailleurs décapiter ?
Philippe II n’est pas du genre tolérant. Non seulement il fait persécuter les protestants sur son propre sol, mais il établit aux Pays-Bas un tribunal de l’Inquisition. Il déclare volontiers qu’il apportera lui-même les fagots pour brûler son propre fils si celui-ci trempe seulement un pied dans l’hérésie. De son côté, Elisabeth n’est guère plus modérée, qui condamne à la prison et met à l’amende quiconque aurait l’impudence d’assister à une messe !
Guerre commerciale ensuite : l’Espagne est alors le pays le plus puissant d’Europe. En plus de régner sur la péninsule Ibérique, Philipe II possède une grande partie de l’Italie, la Franche-Comté, les Pays-Bas (dont les provinces en révolte sont soutenues par Élisabeth I re ) et, à partir de 1580, devient roi du Portugal. Au-delà des mers, il règne sur les Philippines, nommées ainsi en son honneur, sur le Pérou, le Mexique, ainsi que sur les colonies portugaises de Macao, du Mozambique et de Ceylan. Soit un empire vingt fois plus grand que ne le fut l’Empire romain !
Tandis que les navires marchands espagnols reviennent au pays les soutes pleines à craquer d’or et d’argent, les corsaires anglais, au premier rang desquels le meilleur d’entre eux, Francis Drake, n’ont de cesse de les arraisonner afin de s’approprier leurs riches cargaisons. En 1585, des escadres anglaises attaquent Saint-Domingue sans déclaration de guerre. Un an plus tard, Drake détruit à Cadix une flotte entière de navires de transport espagnols. Cette fois, c’en est trop ! Philippe II décide de corriger l’Angleterre.
L’homme de la situation ? Le vainqueur de la grande bataille navale de Lépante contre les Turcs en 1571, le vice-amiral Marco-Antonio Colonna, duc de Paliano. Hélas, il tombe malade et meurt le 1 er août 1584. Le brillant navigateur Don Alvaro de Bazan, marquis de Santa Cruz, va lui succéder, non pas comme espéré à la tête de la flotte espagnole, mais en le suivant dans la tombe, le 9 février 1588, victime du typhus.
Philippe II « en est réduit à prendre pour amiral un haut seigneur, homme de cour, Medina Sidonia, qui n’avait guère de mérite que sa grande docilité. Celui-là, Philippe II en était sûr, il le dirigerait toujours, le tiendrait en laisse. Et, en effet, le pauvre homme obéit mais ne fit rien (9) ».
Fidèle à son habitude, Michelet a tendance à
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