Grands Zhéros de L'Histoire de France
l’accabler, notamment par cette réflexion restée célèbre : « Il est mort comme il a vécu… en sous-lieutenant ! »
Entre l’empereur Napoléon I er et le Mémorial de Sainte-Hélène , Voltaire et les Reproches de la Tulipe à Madame de Pompadour , Victor Hugo et son poème « L’Expiation » et les petites phrases assassines de Clemenceau, on remarquera qu’il se trouve toujours un grand homme pour accabler les zhéros, ce qui n’est pas d’une grande noblesse, mais enfin comme nous l’avons rappelé, vae victis !
Boulanger n’est pas maréchal de France comme Soubise, Grouchy ou Bazaine et nous n’avons pas été en mesure de trouver le nombre de chevaux tués sous lui. Mais l’absence de cette information est compensée par la publicité donnée par ses partisans aux nombreuses blessures qu’il reçut au feu. Après une brillante campagne de Kabylie, il fut en effet blessé d’une balle dans la poitrine au cours de la guerre d’Italie, ce qui lui valut la Légion d’honneur à vingt-deux ans à peine. Il reçut aussi un coup de lance en Cochinchine. Blessé pour la troisième fois d’une balle dans l’épaule à Champigny pendant la guerre franco-prussienne, il devient colonel et obtient la croix d’officier de la Légion d’honneur. Puis il reçut au coude gauche une quatrième blessure, cette fois, pendant le siège de Paris. Quoique cet avancement rapide lui vaille quelques inimitiés au sein de l’armée et un certain nombre de déconvenues (notamment une rétrogradation provisoire), le duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe, que nous avons déjà rencontré alors qu’il présidait le conseil de guerre devant lequel comparut Bazaine, le propose au titre de général en 1880.
L’année suivante, alors chef de la députation militaire envoyée aux fêtes de commémoration de l’indépendance des États-Unis, Boulanger exige des frégates américaines amarrées devant Yorktown qu’elles fassent disparaître l’aigle allemande qu’elles avaient eu le malheur de hisser à côté du drapeau tricolore. Ce pavillon était arboré en hommage aux descendants, présents ce jour-là, du baron de Steuben, un aristocrate allemand qui avait combattu à côté des insurgés américains. Pavoiser l’aigle allemande, c’était mettre sur pied d’égalité la France, ayant pris fait et cause pour l’insurrection américaine en tant que nation, et un malheureux Teuton passé au service du roi de France et ayant atterri aux États-Unis quasiment par raccroc ! Dans Voyage aux États-Unis, notes et impressions , le vicomte d’Haussonville, lui aussi membre de la délégation française, relate comment cette tempête dans un verre à dents fut à deux doigts de créer un incident diplomatique entre la France et les États-Unis !
Il faut dire que dans ces années-là, on ne plaisante pas avec les symboles nationaux. Nos compatriotes ignorent bien souvent ce détail, mais Maxim’s, restaurant de la rue Royale célèbre dans le monde entier était un simple bistrot, qui fut racheté par le garçon de café Maxime Gaillard, après que la foule l’eut dévasté parce que son patron avait eu le malheur de pavoiser sa vitrine d’un drapeau allemand le 14 juillet 1890.
Auréolé de la noble attitude anti-allemande qu’il a manifestée aux États-Unis, Boulanger devient le « Général Revanche ». Nommé directeur de l’infanterie en 1882, il va prendre toutes sortes de mesures extrêmement populaires auprès de l’armée et de l’opinion publique. Les plus connues sont évidemment celles qui nous paraissent aujourd’hui les plus amusantes, voire les plus futiles : changement du sac militaire réglementaire, peinture des guérites en tricolore, introduction de la morue dans l’ordinaire du troupier, autorisation pour les sous-officiers de porter la barbe et de sortir au théâtre, introduction des vélocipèdes dans l’armée… Même les importantes mesures de réorganisation de l’armée auxquelles il procédera comme ministre de la Guerre après son retour de Tunisie – réorganisation de l’enseignement militaire, de l’Etat-Major, du génie, de la surveillance militaire et des frontières – comporteront aussi leur lot de dispositions plus insignifiantes telles que le remplacement de la gamelle par des assiettes, le droit de posséder des fourchettes et le remplacement des paillasses par des sommiers. (Et un sommier de plus à ajouter aux matelas de Decrès, La
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