Hamilcar, Le lion des sables
Latium et donner naissance à une lignée d’où sortirent
Romulus et Remus, les fondateurs de Rome. En occupant ce sanctuaire, le consul
entendait ironiquement rappeler aux Carthaginois la supériorité de sa ville sur
la leur et raviver les vieilles blessures d’antan.
Adherbal
ne s’y trompa pas et décida de laver cet affront dans le sang. Il rassembla à
la hâte plusieurs milliers d’hommes, débarqua de nuit et s’empara du mont Eryx
ainsi que du consul, surpris dans son sommeil et envoyé, les fers aux pieds, à
Carthage. L’annonce de cette catastrophe supplémentaire provoqua un début de
panique à Rome. Le Sénat intima l’ordre à Publius Claudius Pulcher de nommer un
dictateur chargé d’exercer le commandement suprême. Le consul, auquel la
défaite n’avait pas dessillé les yeux, désigna pour cette fonction l’un de ses
scribes, Claudius Glycia, ce qui lui valut une sévère admonestation du Sénat,
révolté par la légèreté de ce choix.
Hamilcar
suivit de loin tous ces événements, confiné dans de médiocres tâches
administratives par son beau-frère. Il passait ses journées à l’Amirauté et, le
soir, regagnait sa villa de Mégara où l’attendait son épouse, elle-même
cloîtrée dans ses appartements. Peu à peu, il prit l’habitude de passer avec
elle ses soirées et de lui raconter sa vie. Elle lui narra par le menu son
enfance et la douleur qu’elle avait éprouvée à la mort de son père. Il lui
parla longuement de Juba et, à sa grande surprise, elle le questionna
passionnément sur le jeune prince numide, cherchant peut-être à connaître le
secret de la séduction qu’il avait longuement exercée sur son mari. Un soir, durant
la mauvaise saison, alors que la pluie ruisselait au-dehors, il eut la surprise
de la voir paraître, revêtue d’une robe d’apparat et portant la fibule qu’il
lui avait offerte. Lui-même venait d’agrafer la sienne à son manteau
d’officier. Ils ne s’étaient pas concertés mais avaient eu tous deux la même
idée au même moment. Le couple éclata de rire et congédia les esclaves qui
s’apprêtaient à leur servir le repas.
Le fils
d’Adonibaal, en dépit de son expérience à Sicca avec une prostituée sacrée, ne
savait pas trop comment s’y prendre avec les femmes. Son épouse l’avait deviné
et usa de caresses expertes avant de se débarrasser de sa robe richement ornée.
Celle-ci cachait un corps fin et hâlé par le soleil, des seins petits et fermes
entre lesquels Hamilcar posa sa tête avant de descendre progressivement vers
les hanches de sa femme. La peau qu’il embrassait avait un goût sucré. Il
sentit son sexe se dresser de plaisir et se releva pour ôter sa tunique.
Renversant son épouse sur le lit, il pénétra d’un coup en elle, fier du cri de
douleur joyeuse qu’elle poussa alors. Les deux corps ondulèrent au même rythme
longtemps et le fils d’Adonibaal s’arracha avec peine à sa bien-aimée. Il
savait désormais qu’il ne trouverait plus le plaisir qu’auprès d’une femme, seul
être au monde capable de le vaincre et de l’amener à merci. Au petit matin,
quand il se rendit à l’Amirauté, Hamilcar se sentit un autre homme, calme,
apaisé, enfin en accord avec lui-même. Neuf mois plus tard, lui naissait un
fils qu’il appela Hannibal en l’honneur de l’un de ses grands-pères. Lorsqu’il
se présenta chez Adonibaal pour lui apprendre la naissance de son petit-fils,
le vieux sénateur l’accueillit en souriant :
— Inutile
de m’annoncer la nouvelle que tu m’apportes. Je suis déjà au courant par
Épicide qui est ivre de joie à l’idée d’avoir, dans quelques années, à élever
un jeune Barca. Tu l’as prénommé Hannibal par fidélité à ton serment et je t’en
félicite. Sache qu’il n’aura pas à rougir de ce nom. Le Conseil des Cent Quatre
réuni hier a décidé à ma demande de rendre justice à la mémoire de ton
malheureux ami. Il a été totalement lavé des accusations portées contre lui et
son bourreau, Giscon, devra répondre de son comportement devant notre tribunal.
— Tu
me combles de joie.
— J’ai
une autre bonne nouvelle pour toi.
— Laquelle ?
— Le
Sénat a décidé de remplacer Adherbal. C’est un bon officier et il n’a pas
démérité. Mais nous avons besoin d’un nouveau commandant en chef en Sicile. Tu
es l’un des favoris.
— Qui
d’autre postule à cette fonction ?
— Baalyathon
en personne. Sans doute
Weitere Kostenlose Bücher