Hamilcar, Le lion des sables
ce piège.
— J’aviserai.
Le cœur
lourd, Hamilcar se retira sous sa tente. On ne le revit pas de la journée et,
le soir, il s’abstint de partager le repas de ses officiers comme il en avait
l’habitude. Le lendemain, il s’enferma plusieurs heures avec son intendant,
Himilk. Muni de tous les sauf-conduits nécessaires, celui-ci se rendit à
Panormos pour y rencontrer le consul et préparer la future entrevue entre les
deux commandants en chef. Après de dures tractations, il fut décidé que la première
rencontre aurait lieu dans une propriété inoccupée située à quelques stades de
la ville. Chaque général viendrait avec sa suite et un escadron de vingt
cavaliers. Des tentes seraient dressées pour les abriter s’ils décidaient de
poursuivre pendant plusieurs jours leurs conversations. Des otages seraient
échangés de part et d’autre pour garantir la sécurité de tous et ils seraient
traités avec tout le respect dû à leur rang. En attendant, toutes les
opérations militaires, sur terre et sur mer, étaient suspendues.
Au jour
convenu par leurs émissaires respectifs, les deux chefs militaires se
retrouvèrent dans la maison nettoyée et remise en état par une foule
d’esclaves. Hamilcar Barca et Caïus Lutatius Catulus se saluèrent d’un signe de
tête et demeurèrent immobiles, ne sachant quelle attitude adopter. Himilk brisa
le silence en leur adressant ces quelques mots :
— Une
pièce a été préparée pour vous afin que vous puissiez y discuter pendant que
vos officiers régleront des questions de routine. Vous parlez tous les deux le
grec et vous n’avez pas besoin d’un interprète. Je vais vous conduire à cet
endroit et nous attendrons votre retour pour savoir ce qu’il conviendra de
faire.
Après
avoir rempli sa mission, l’intendant s’esquiva. Les deux hommes étaient désormais
seuls en tête à tête.
— Hamilcar,
fit le consul, je suis heureux de te connaître. Tu es un vaillant soldat et
j’ai plus d’une fois regretté que tu ne sois pas romain. Je comprends la peine
que tu ressens en ce jour. La Fortune a préféré ma ville à la tienne. Les
choses sont ainsi et nous n’y pouvons rien.
— Tu
ne m’es pas non plus inconnu. Ce n’est pas la Fortune qui t’a souri. Tu as su
admirablement manœuvrer ta flotte et tu as remporté une belle victoire contre
ce malheureux Hannon qui n’était pas un bon marin. Le Sénat de Carthage a
décidé de conclure la paix avec vous et je m’incline devant sa décision.
Quelles sont vos conditions ?
— Elles
t’étonneront par leur modération.
— Je
vais te parler franchement, j’eusse préféré qu’elles fussent impitoyables.
Cette longue guerre aurait alors eu un sens. Mais s’être battu pour parvenir à
un si médiocre compromis, il y a là de quoi enrager. Tant d’hommes tués pour si
peu !
— À
défaut de la partager, je comprends ta réaction. Moi aussi, j’applique les instructions
que j’ai reçues de Rome et je n’ai pas mon mot à dire.
— Cessons
d’ergoter. Quelles sont vos exigences ?
— Vous
devrez abandonner la Sicile.
— Toute
la Sicile ?
— Oui.
Ce n’est pas une demande déraisonnable. Vous n’avez plus que deux places fortes,
Eryx et Héircté. Les villes qui étaient jadis vos alliées se sont placées sous
notre protection.
— Si
j’avais été vainqueur, elles vous auraient trahi !
— Je
suis sans illusion à ce sujet. On m’a beaucoup parlé des visites que tu as
reçues de la part de nos loyaux amis. Voilà pourquoi nous ne pouvons plus
admettre une présence autre que la nôtre sur cette île.
— Rome
existait à peine que, déjà, Carthage possédait des colonies en Sicile. Elle
nous a toujours fourni le vin, l’huile et le blé dont nous avons besoin.
— Si
la paix est signée, vous pourrez commercer avec nous et vous procurer ces
produits à des tarifs très avantageux. Vous ferez même des économies puisque
vous n’aurez plus à entretenir de garnisons. Nous avons tout intérêt à vous
livrer les marchandises que vous réclamerez. Votre ville est riche et elle paie
bien.
— Qu’adviendra-t-il
de nos colonies en Sardaigne et en Corse ?
— Vous
les conserverez. Nous n’avons aucune revendication à leur égard.
— En
es-tu sûr ?
— Je
t’en donne ma parole.
— Je te
crois. Nous évacuerons donc la Sicile.
— Bien.
Il va de soi que Carthage s’engage à ne pas faire la guerre aux cités
siciliennes
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