Hasdrubal, les bûchers de Mégara
traité
qui me lie aux Fils de la Louve. Je sais que tu as compris depuis longtemps que
rien ne me ferait changer d’avis et que j’entends rester fidèle à la parole que
je leur ai donnée. En fait, tu veux me charger d’une mission auprès de mes
alliés.
— Je
te remercie de ta franchise. C’est effectivement ce que je souhaite te
demander.
— Tu
aurais pu t’adresser directement au consul plutôt que de passer par mon
intermédiaire.
— Je
doute fort qu’il aurait accepté de rencontrer celui qui a ordonné l’exécution,
au mépris des lois de la guerre, de ses hommes que nous détenions comme
prisonniers.
— Tu
veux parler de ces traîtres qui s’étaient rendus à Hasdrubal l’étourneau
moyennant la promesse d’avoir la vie sauve. Scipion me l’a confié : leurs
familles devraient te bénir d’avoir agi comme tu l’as fait. Leur mort héroïque
leur a permis d’expier leur faute et de se racheter aux yeux de leurs
concitoyens.
— Cela
signifie-t-il qu’il ne me tient pas rigueur de ce crime ?
— Toi
et tes officiers avez agi comme des militaires en infligeant à ces lâches le
châtiment qu’ils méritaient. Mais il n’éprouve que mépris et dégoût pour les
civils carthaginois qui t’ont empêché de faire grâce aux survivants quand il te
l’a demandé. Ceux-là, je puis te l’assurer, n’ont aucune pitié à attendre de
lui quand viendra l’heure pour eux de rendre des comptes. Mais assez parlé du
passé ! Es-tu venu m’annoncer que vous souhaitez connaître les conditions
d’une capitulation ?
— Il
ne saurait en être question. Même si nous traversons des moments difficiles,
nous n’avons pas perdu l’espoir de voir nos dieux venir à notre secours. La
guerre entre Rome et Carthage risque de durer encore de longues années et de
coûter la vie à des milliers d’hommes. Il est temps d’y mettre fin. Jadis,
avant le déclenchement des hostilités, nous avions proposé aux Pères conscrits
de vivre en bonne entente avec Rome à condition que celle-ci se conduise envers
nous comme elle le fait avec nos frères de race d’Hadrim et d’Utique. Ils ont
renoncé à posséder une armée et une flotte de guerre moyennant quoi le Sénat
les a autorisés à conserver leurs magistrats et à s’administrer selon leurs
propres lois. Nous sommes prêts à licencier notre armée, à détruire notre
flotte de guerre, à abattre nos remparts et à payer un tribut aux Fils de la
Louve si ceux-ci nous laissent vivre en paix à l’ombre de la colline de Byrsa.
— Hasdrubal,
mon ami, tu déraisonnes ou tu parles comme un enfant. Les conditions que tu
évoques ne sont plus de mise depuis longtemps. La dernière offre que vous avait
faite Rome était de transférer votre cité à quatre-vingt-cinq stades à
l’intérieur des terres. Je puis user de mon influence pour que cette sage
solution prévale. Je ne puis m’engager à plus.
— Je
te demande cependant de transmettre mon offre au Consul. Dis-lui que notre
situation n’est pas aussi désespérée qu’il le croit. Nous avons une armée forte
de plusieurs dizaines de milliers d’hommes à Nepheris, sous le commandement de
Diogène, un excellent général, et les cités d’Aspis et d’Hippo Dhiarrytus sont
toujours nos alliées. Sous peu, je puis te le confier, nous recevrons des
renforts en tel nombre que nous serons en mesure de repousser les Romains et,
même, d’envahir ton royaume. Mieux vaudrait donc pour Scipion Aemilianus éviter
que son nom ne soit souillé par une défaite dont ses ennemis, sur les bords du
Tibre, tireraient profit pour demander son bannissement.
— Pour
te prouver ma bonne foi, j’accepte que l’un des membres de ton escorte
m’accompagne et assiste à l’entretien que j’aurai avec le consul. Je réponds de
sa vie sur la mienne. Retrouvons-nous ici dans trois jours. Tu sauras alors
quel sort attend ta ville.
Je dois le
reconnaître, je repartis plutôt confiant de cette entrevue. Gulussa m’avait
écouté et ne m’avait pas opposé de fin de non-recevoir même s’il avait
tenté – c’était logique – de me démontrer la faiblesse de
certains de mes arguments. Aussi est-ce sans crainte que je me rendis à la
deuxième rencontre dont nous étions convenus. A peine eus-je aperçu l’officier
que j’avais laissé accompagner le prince numide que mon sang se glaça d’effroi.
Il avait le visage sombre et paraissait en proie à un violent
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