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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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désespoir.
Lorsque je l’interrogeai, il put à peine bredouiller quelques mots tant il
était ému et Gulussa entreprit de parler à sa place :
    — Hasdrubal,
pardonne à cet homme ce moment de faiblesse car les nouvelles dont nous sommes
les porteurs sont mauvaises pour toi.
    — Le
consul a-t-il rejeté mon offre ?
    — Il
a éclaté de rire quand je lui ai rapporté tes propos.
    — Il
ricanera moins quand arriveront les renforts que j’attends.
    — Ils
ne viendront jamais.
    — Qu’en
sais-tu ? Hier encore, un messager m’a apporté une lettre de nos
ambassadeurs m’annonçant que les contingents puniques et numides qu’ils ont
levés ont quitté depuis un mois la région des colonnes de Melqart et qu’ils
marchent en direction de Carthage par terre et par mer.
    — L’homme
en question était petit, avait les cheveux roux et portait une balafre à la
joue gauche.
    — Comment
le sais-tu ?
    — C’est
l’un de mes agents. Sache que tes ambassadeurs n’ont jamais atteint leur
destination. Nous les avons faits prisonniers et, depuis, sous la contrainte,
ils ne cessent de t’abreuver de fausses nouvelles auxquelles tu as eu le tort
d’accorder crédit. Ta fameuse armée n’existe pas, n’a jamais existé.
    — Carthage
est donc perdue ?
    — Oui.
Toutefois, eu égard à ton rang et à l’estime qu’il te porte, Scipion Aemilianus
a décidé que, si tu acceptes de te rendre, toi, ta femme, tes enfants, ta
famille et celles des officiers de ton état-major, vous serez libres de partir
pour la destination de votre choix en emmenant avec vous dix talents d’argent
et vos esclaves.
    En
entendant cette offre, mon sang ne fit qu’un tour. J’eus beaucoup de mal à
conserver mon calme car je ne voulais pas me montrer insultant envers Gulussa
dont je devinais qu’il avait tenté de fléchir son puissant allié. Quand j’eus
retrouvé mes esprits, je le toisai d’un air déterminé et lui dis :
    — Je
te remercie, fils de Masinissa, d’avoir bien voulu intercéder en notre faveur.
Je ne te tiens pas pour responsable de leur honteuse proposition. Dis ceci à
Scipion : les dieux et la fortune me sont témoins que le soleil ne verra
jamais Carthage détruite et Hasdrubal vivant. Un homme de cœur n’est nulle part
plus noblement enseveli que sous les ruines de sa patrie quand il n’a pas
réussi à la sauver.
     
    ***
     
    De retour
à Carthage où mon absence était passée inaperçue, je fus surpris par
l’atmosphère d’allégresse qui régnait dans les rues. J’en appris rapidement la
raison. Les convois de blé en provenance d’Egypte et de Gaule étaient enfin
arrivés. Désormais, en rationnant sévèrement les habitants, nous pouvions tenir
encore plusieurs mois. La confiance revint dans le cœur de mes compatriotes et
je pus affermir mon autorité et celle de mon père sur le Conseil des Cent
Quatre.
    Quand
Scipion Aemilianus comprit que notre cité était à l’abri de la famine, il
décida d’interdire l’accès de notre port aux navires étrangers en bloquant son
entrée par une digue longue de vingt-quatre pieds au sommet et
quatre-vingt-seize à la base, qu’il fit édifier entre l’extrémité du lac de
Tunès et l’étroit goulot situé à l’entrée de notre port marchand. Il fit jeter
dans la mer d’énormes blocs de pierre amenés là par des milliers de captifs et
par ses soldats, à nouveau transformés en terrassiers.
    Quand on
me prévint de la construction de ce formidable ouvrage, je donnai l’ordre de ne
pas chercher à l’entraver. Il fallait que les légionnaires s’épuisent à la
tâche. Quand ils eurent fini, j’ordonnai à tous les membres de notre garnison
et à la population civile valide de se retrouver le soir même sur les quais du
port marchand afin d’ouvrir une brèche dans la muraille qui le séparait de la
mer. Des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants travaillèrent
toute la nuit à la lueur des torches pour abattre une portion de notre enceinte.
Les Romains, de leur camp, pouvaient entendre un bruit assourdissant mais
étaient dans l’incapacité de distinguer ce qui se passait. Au petit matin, une
large brèche avait été ouverte à un endroit où la profondeur de l’eau et la
violence des courants interdisaient aux Fils de la Louve d’édifier un nouveau
barrage.
    Par ce
passage, notre flotte de guerre sortit tout entière et se dirigea vers les
navires ennemis. Ceux-ci étaient gardés par une

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