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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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d’une cour intérieure ornée en son
centre d’une fontaine. Il donna des ordres à son intendant pour le banquet du
soir, le menaçant de le faire fouetter si la fête n’était pas somptueuse. Nous
dressâmes de concert la liste des invités et je pus noter qu’il réprima une
moue de désapprobation quand je lui annonçai la présence de Bodeshmoun et de sa
fille. Il n’osa pas toutefois refuser de faire prêter à Arishat une robe par
son épouse.
    La soirée
fut très réussie. Je dus déployer des efforts considérables pour dissimuler mon
impatience de voir ce à quoi ressemblait la fille de mon supérieur. Quand elle
parut, dans une tunique rehaussée de broderies, je fus littéralement conquis
par sa beauté. Âgée d’environ dix-huit ans, la peau mate et soyeuse, les yeux
envoûtants, elle était resplendissante. Elle me salua d’un ton plutôt
enjoué :
    — Je
suis heureuse de faire ta connaissance, Hasdrubal, et te suis reconnaissante de
tes attentions. Sans toi, je n’aurais pu paraître ici ce soir car je possède en
tout et pour tout quelques mauvaises hardes. Je me réjouis d’avoir désormais un
compagnon de mon âge. Cela me changera de tous ces sinistres vieillards qui ne
cessent de m’importuner de leurs assiduités. Durant ce banquet, nous n’aurons
guère l’occasion de nous parler car ces hypocrites vont t’accaparer pour te
présenter leurs doléances et te vanter leurs mérites. Mais j’espère que tes
activités te laisseront le temps de me rendre visite. Je brûle d’entendre de ta
bouche les derniers ragots en provenance de Carthage et il se pourrait que je
puisse t’apprendre des choses intéressantes.
    Elle
n’avait pas tort. Pendant qu’on servait viandes, légumes et fruits à foison,
les notables locaux se répandirent en flatteries outrancières sur le compte de
Mutumbaal et m’offrirent leurs services. A les entendre, le commandant de la
garnison, Bodeshmoun, était un incapable et ils se réjouissaient de voir le
Conseil des Cent Quatre lui donner pour adjoint un homme de ma qualité. Je ne
fus pas dupe de leurs bonnes paroles et je n’avais nullement l’intention de
suivre leurs conseils même s’ils prirent mon silence pour une approbation de
leurs dires.
    Deux jours
après cette soirée, je fis rassembler les soldats de la garnison dans
l’enceinte délabrée du fort. Beaucoup avaient dépassé la trentaine et
paraissaient avoir oublié le métier des armes. Ils me firent une chaleureuse
ovation quand je leur annonçai que leurs soldes, augmentées d’une gratification
prélevée sur mes fonds propres, leur seraient distribuées en fin d’après-midi.
Puis je m’enfermai avec Bodeshmoun qui me traça un tableau de la situation
aussi précis que possible. Le territoire qu’il contrôlait était très étendu et
parsemé d’immenses propriétés appartenant à des aristocrates carthaginois qui
ne s’y rendaient pratiquement jamais. A son extrémité septentrionale, se
trouvait la frontière avec le royaume numide de Masinissa dont les habitants
fréquentaient le marché d’Oroscopa pour y acheter de l’huile, du vin, du blé et
différents produits de consommation courante et pour y vendre leurs chevaux.
Les relations entre les deux peuples étaient cordiales, en dépit de la présence
de quelques pillards qui effectuaient des raids sur des fermes isolées avant de
regagner leurs montagnes. Les plaintes circonstanciées adressées par Bodeshmoun
à Masinissa étaient examinées avec soin par le vieux souverain. Chaque fois,
protestant de son innocence, il dédommageait les colons spoliés et envoyait
quelques détachements de cavaliers parader ostensiblement dans les villages
rebelles, ce qui dissuadait pour un temps leurs habitants de se livrer à leurs
rapines.
    Tout en
manifestant un grand respect pour Masinissa, Bodeshmoun ne me cacha pas ses
inquiétudes.
    — L’homme
se fait vieux et je redoute ce qu’il adviendra après sa mort. Il a trois fils,
Mastanabal, Micipsa et Gulussa, qui rêvent, chacun, de monter sur le trône. Il
le sait mais veut à tout prix éviter la partition de son royaume. Dès lors,
afin de laisser à ses descendants un héritage suffisamment important pour
prévenir des affrontements fratricides, il doit à tout prix étendre ses
domaines et nous sommes les victimes désignées de ses ambitions. Pour l’heure,
il a les pieds et les mains liés par le traité de paix que nous avons signé, au
même titre que lui,

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