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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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au petit matin, j’eus le pressentiment
que notre liaison serait loin d’être passagère. Elle-même se trouvait dans la
même disposition d’esprit et me confia avant de partir :
    — Hasdrubal,
sache que je t’appartiens désormais. Tu pourras exiger de moi tout ce que tu
voudras. Je n’ai qu’une seule envie, être à ton service et obéir fidèlement à
tous tes désirs. Je ne te demande qu’une seule chose : ne dis jamais à mon
père ce qui s’est passé cette nuit. Je le connais assez pour savoir qu’il te
tiendrait rigueur de ce fait ou qu’il nourrirait pour moi le projet d’un
mariage avec le fils d’un membre du Conseil des Cent Quatre. Or, en dépit de
l’amour que je te porte, je tiens à conserver ma liberté et je ne voudrais pour
rien entrer dans l’une de vos familles aristocratiques. Ce n’est pas mon monde.
J’ai l’âme d’une aventurière et d’une rebelle et je veux choisir moi-même mon
destin.
    — Quoi
qu’il m’en coûte, je respecterai ton souhait. Il me tarde de te retrouver.
Sache que je t’attendrai toutes les nuits et que j’espère que tu seras fidèle à
ce rendez-vous.
    * *
    Quand il
revint de Carthage, Bodeshmoun était porteur d’excellentes nouvelles. Grâce à
l’appui efficace de Mutumbaal, il avait pu débaucher des arsenaux de la ville
plusieurs centaines d’ouvriers, attirés par les promesses de gains élevés qu’on
leur avait faites. Avec la complicité d’Abdmelk, toujours aussi imbu de son
rôle, il fit installer des ateliers dans toutes les grandes propriétés autour
d’Oroscopa et, bientôt, le bruit des forges retentit dans ces domaines voués
jadis uniquement à l’agriculture. Pour nous procurer le bois nécessaire à la
construction des machines de guerre, nous eûmes recours aux forêts séculaires
entourant Sicca. Au bout de quelques mois, nous pûmes emmagasiner des milliers
de lances, d’armures, de glaives et de boucliers dans des cachettes
soigneusement aménagées, soit dans des fermes, soit dans des grottes.
    Mes
activités ne m’empêchaient pas de retrouver souvent, à la nuit tombée, Arishat
dont j’étais devenu profondément amoureux. Elle se comportait avec moi de
manière curieuse. Elle me prodiguait des caresses expertes et se soumettait à
toutes mes exigences tout en faisant preuve d’une farouche indépendance
d’esprit. Elle m’aimait assurément et savait trouver les mots pour le dire.
Toutefois, j’étais conscient de la fragilité de notre liaison. Un jour
viendrait où elle se lasserait de moi et irait chercher dans les bras d’un
autre homme de nouveaux plaisirs. J’en avais pris mon parti d’autant plus
facilement que cela me permettait d’afficher la plus complète indifférence à
son égard quand je me trouvais avec elle et son père. A l’époque, Bodeshmoun
ignorait tout de mes relations avec Arishat et il lui arriva plus d’une fois de
s’étonner de ma trop grande sagesse. Il n’aurait pas été choqué d’apprendre que
je fréquentais certaines tavernes d’Oroscopa dont les servantes étaient
réputées pour faire commerce de leurs charmes. Il s’amusait de me voir en
apparence être totalement absorbé par mes fonctions et me prodiguait de
précieux conseils pour pallier mon inexpérience. Je dois aujourd’hui le
reconnaître, c’est grâce à ce vieux soldat que j’ai pu me hisser dans la
hiérarchie militaire et devenir un bon officier. Il m’a appris à commander les
hommes et à les ménager car c’était, à ses yeux, le plus sûr moyen d’obtenir
d’eux un dévouement sans limites. Je pus le vérifier : en quelques mois,
la petite garnison d’Oroscopa avait cessé d’être un ramassis de désœuvrés et de
mécontents. Régulièrement payés et équipés de neuf, ses membres avaient repris
goût au métier des armes et parcouraient la région pour y faire régner l’ordre.
Le rétablissement du calme eut des effets bénéfiques. L’on vit bientôt arriver,
en provenance d’Utique ou de Carthage, des centaines de colons qui
s’installèrent sur des terres à l’abandon et y commencèrent des travaux de
défrichement.
    Pendant ce
temps, nous poursuivions dans le plus grand secret la fabrication de stocks
d’armes et, au bout de deux ans, nous avions atteint nos objectifs. Un soir,
l’air grave, Bodeshmoun vint me trouver.
    — Hasdrubal,
notre tâche est achevée. J’en suis particulièrement fier et je dois te
remercier pour ton précieux concours. Il

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