Hasdrubal, les bûchers de Mégara
voulu
leur enlever par le droit de la guerre. » Qu’il se conforme en tous points
à cette ligne de conduite et il n’aura pas à le regretter.
Le fils de
Masinissa, comprenant qu’il était allé trop loin, avait alors tenté de trouver
une porte de sortie en déclarant, d’un ton doucereux, à ses
interlocuteurs :
— J’accepte
de transmettre ce message à mon père mais je crois qu’il aurait plus de poids
s’il lui était remis par l’un d’entre vous. Nous serions heureux de recevoir
une ambassade du Sénat romain dont les membres pourraient infirmer ou confirmer
les conclusions de Cnaeus Marcellus Rufus. C’est le moins que vous deviez à
notre famille pour les multiples services qu’elle vous a rendus et je suggère
qu’à la tête de cette délégation, vous nommiez Marcus Porcius Caton.
Désireux
de ne pas envenimer la situation, Publius Cornélius Scipion Corculum s’était
rangé à cette proposition en ces termes :
— Tu
choisis là un homme dont la partialité est connue. Toutefois, qu’il en soit
fait selon tes vœux ! Après tout, Rome respirera peut-être mieux lorsque
ce vieux grincheux sera loin d’elle.
Sitôt
avertie de cette décision, notre délégation reprit espoir. Le message que le
Sénat avait adressé à Masinissa par l’intermédiaire de son fils était empreint
d’une grande fermeté en dépit des formules flatteuses qu’il contenait. À sa
lecture, le souverain numide y regarderait à deux fois avant de passer outre
aux recommandations de ses puissants protecteurs et ceux-ci laissaient
clairement entendre que sa qualité d’allié ne lui donnait pas tous les droits,
notamment celui de violer impunément les traités signés par lui. Or nous
savions que, sans l’appui militaire de Rome, il n’était pas en mesure de
poursuivre ses incursions au-delà de la région des Grandes Plaines. En décidant
de lui envoyer cette mise en garde, Publius Cornélius Scipion Corculum s’était
montré fidèle à la tradition pacifique de sa famille.
C’était là
un premier point positif, le seul peut-être dont nous puissions nous targuer.
Au sein de notre ambassade, les avis étaient plus partagés quant à l’annonce de
la venue de Marcus Porcius Caton dans notre ville. Pour certains, c’était
introduire le loup dans la bergerie et lui fournir une occasion inespérée de
raviver sa haine et sa rancœur à notre encontre. À ma grande surprise, Azerbaal
se montra d’un avis contraire. Certes, il eût préféré avoir affaire à un autre
interlocuteur mais il ne doutait pas un seul instant que le vieux sénateur,
confronté à l’évidence, devrait réviser son jugement et faire amende honorable,
à tout le moins se montrer à l’avenir plus circonspect. C’était d’ailleurs
l’avis des négociants puniques d’Ostie qui donnèrent un banquet somptueux en
notre honneur pour nous féliciter des résultats obtenus. Leur optimisme était
communicatif et nous repartîmes donc pour Carthage convaincus que Rome
tiendrait ses promesses et enjoindrait à Masinissa de nous rendre nos
possessions.
Chapitre 4
Portés par
des vents favorables, nous mîmes cinq jours pour effectuer le trajet entre
Ostie et Carthage. À peine débarqués, Azerbaal et moi-même nous rendîmes au
Conseil des Cent Quatre où Hannon le Rab et Mutumbaal nous interrogèrent
longuement sur notre séjour à Rome et sur l’état d’esprit des sénateurs. Je
dois reconnaître que le chef de notre délégation me surprit agréablement par
ses propos. Je craignais en effet qu’il ne cherchât à embellir la réalité et à
s’approprier tout le mérite du très maigre résultat obtenu par notre ambassade.
Après tout, il était le beau-frère de l’homme le plus influent de notre cité et
la méfiance qu’il nourrissait envers mon père aurait pu l’inciter à me nuire en
m’accusant d’initiatives intempestives. Or il me couvrit d’éloges en soulignant
l’aide précieuse que nous avait apportée mon ami Marcus Lucius Attilius grâce à
ses relations avec Publius Cornélius Scipion Corculum. Et mon étonnement redoubla
quand je l’entendis formuler une proposition à laquelle je ne m’attendais
pas :
— Sous
peu, Marcus Porcius Caton sera dans nos murs, mandaté par le Sénat romain.
C’est un homme redoutable, le pire de nos ennemis. Il est rusé comme un vieux
renard et cherchera dans chacun de nos gestes à son égard le piège que celui-ci
cache. Un temps, je l’avoue,
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