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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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autoriser à entrer en guerre contre lui.
    A ces
mots, notre délégation éclata en sanglots et, en proie à la plus violente des
émotions, se prosterna devant les sénateurs en les suppliant de revenir sur
cette décision. Allongés sur le sol de marbre de la curia Hostilia, nous
versâmes des larmes abondantes, hurlant qu’on nous condamnait à mort, nous et
nos familles, au mépris de la justice et de l’honneur. Au fond de moi-même, je
n’étais pas d’accord avec la conduite adoptée par mes collègues. Toutefois,
j’avais dû les imiter et je compris qu’Azerbaal n’avait pas eu tort de se
livrer à cette comédie. Bon nombre de Pères conscrits, conscients de la
fourberie du souverain numide, ne purent dissimuler leur émotion. Certes, en
dignes fils de l’austère Rome, ils étaient choqués par notre comportement
excessif : eux ne se seraient jamais abaissés à solliciter de façon aussi
humiliante l’aide d’une puissance étrangère ou d’un ancien vainqueur. Ils ne
pouvaient cependant pas rester insensibles à cette manifestation émouvante d’un
patriotisme sincère. Publius Cornélius Scipion Corculum le réalisa et jugea
alors opportun de prendre la parole :
    — Azerbaal,
je t’en prie, demande à tes collègues de se ressaisir. Vous avez mal interprété
les propos de Cnaeus Marcellus Rufus. Rome vous interdit de prendre les armes
contre Masinissa. Cela ne signifie pas que nous approuvions son geste. L’un de
ses fils, Mastanabal, séjourne actuellement dans notre ville. Dès demain, nous
lui demanderons de venir s’expliquer devant nous. Alors et alors seulement,
nous pourrons nous prononcer et notre sentence, croyez-moi, aura force de loi.
    À demi
rassurés, nous nous retirâmes, attendant la suite des événements. Dûment
chapitré par Marcus Porcius Caton, le jeune prince numide se présenta le lendemain
devant les sénateurs et les mécontenta en fournissant des réponses tortueuses à
leurs questions précises. Tout en admettant que son père avait annexé
unilatéralement deux provinces, Mastanabal soutint que ce geste ne constituait
pas une violation des traités passés avec Carthage. Selon lui, ses ancêtres
avaient jadis concédé aux Puniques fuyant Tyr un morceau de territoire de la
taille d’une peau de bœuf. La ruse d’Elissa, qui avait découpé en fines
lanières la peau, leur avait permis d’occuper la région des ports et de la
colline de Byrsa. Tout le reste, affirma Mastanabal appartenait aux Massyles et
aux Masaesyles. En envahissant les Grandes Plaines, ces derniers n’avaient donc
fait que récupérer leurs biens. Nous n’étions pas présents à cette séance mais
Marcus Lucius Attilius m’en fit un compte rendu détaillé, ayant interrogé à ce
sujet Publius Cornélius Scipion Corculum.
    Ce
dernier, fou de rage, avait interpellé le prince numide d’un ton qui ne
souffrait aucune réplique :
    — Mon
ami, ta mauvaise foi est patente. Pendant des siècles, tes ancêtres ont laissé
les Puniques étendre leurs domaines dans l’arrière-pays sans élever la moindre
protestation. Mieux, ils leur ont prêté main-forte en leur fournissant des
cavaliers et des fantassins pour mener à bien ces conquêtes et pour se tailler
un empire en Sicile, en Sardaigne et en Ibérie. Avant d’être nos alliés, vous
avez été ceux de Carthage. Ton propre père a combattu mes parents en Ibérie,
puis a changé de camp après le débarquement des légions romaines en Afrique.
Lorsque la paix a été signée, il n’a pas revendiqué pour lui les domaines que
nous abandonnions à notre ennemi de la veille. Lui qui se proclame notre plus
fidèle ami n’a pas daigné nous consulter avant de s’emparer par traîtrise des
Grandes Plaines et des villes voisines car il savait que nous condamnerions
fatalement cette entreprise criminelle.
    Aussi, je
te donne l’ordre de partir sur-le-champ pour apporter à Masinissa le message
suivant : « On a déjà fait et l’on fera encore beaucoup pour le roi
des Numides afin de le récompenser de son dévouement ; mais l’on
respectera la justice et l’on ne cédera rien à la faveur. Les Romains désirent
que le territoire contesté reste à son propriétaire légitime et que les
anciennes limites tracées entre les deux États soient respectées. Les Fils de
la Louve n’ont pas rendu aux Carthaginois vaincus leurs villes et leurs terres
pour leur arracher, par la violence, durant la paix, ce qu’ils n’ont pas

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