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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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dévoré par une ambition maladive. Pour
dissiper les soupçons – on l’accusait de préparer en secret
l’élimination de ses frères candidats à la succession au trône –, il
faisait mine de se tenir à l’écart de la vie publique et se consacrait à sa
passion, les courses de chevaux.
    Le cadet,
lui, obéissait sans rechigner aux ordres de son père, surtout quand ceux-ci
avaient pour conséquence de l’envoyer loin de la capitale où il étouffait
littéralement. Il détestait l’atmosphère étriquée de cette bourgade provinciale
peuplée de rustres insensibles aux merveilles de Rome et de la Grèce que ses
précepteurs lui avaient fait découvrir durant ses années d’études. Affable et
cultivé, il ne manquerait pas de séduire ses interlocuteurs sur les bords du
Tibre et de plaider avec conviction la cause de son père. Paradoxalement, son
admiration pour les réalisations des Fils de la Louve nous permit de le
neutraliser. Sur mes ordres, mon ami Marcus Lucius Attilius se présenta chez le
jeune prince, lui proposant de lui procurer des statues et des vases en
provenance de sa ville natale. Mon compagnon de beuveries à la taverne du
Dauphin agile avait suffisamment de bagout pour s’attirer les bonnes grâces de
Gulussa, d’autant qu’il ne lui cacha pas ses liens avec Publius Cornélius
Scipion Corculum, non sans en exagérer l’importance. Aussi, quand Masinissa
ordonna à son cadet de partir pour Ostie, celui-ci proposa à Marcus Lucius
Attilius de l’accompagner.
    Je
l’autorisai à effectuer ce voyage car il ne manquerait pas, moyennant espèces
sonnantes et trébuchantes, de me tenir informé des tractations en cours entre
les Numides et ses compatriotes. De fait, celles-ci durèrent plus longtemps que
prévu. En effet, Gulussa arriva à Rome au début de la saison chaude, dans une
ville désertée par les patriciens et les magistrats. Seuls restaient à
l’intérieur de la muraille les pauvres et les esclaves chargés de garder les
palais de leurs maîtres. Désœuvrés, les hommes passaient le plus clair de leur
temps dans les tavernes, buvant et jouant aux osselets. Femmes et enfants, eux,
se rassemblaient près des fontaines publiques d’où s’échappait un mince filet
d’eau. Quand le soleil était à son zénith, ils se rendaient en cortèges joyeux
sur les bords du fleuve pour se baigner. À la tombée de la nuit, les rues
grouillaient d’une foule bruyante retardant le plus longtemps possible le
moment de regagner les taudis nauséabonds où des dizaines de familles
s’entassaient dans des pièces étroites et sombres. Parfois, des bagarres
éclataient entre ivrognes mais les gamins, perchés sur les terrasses,
signalaient par des cris l’arrivée des maigres forces de police chargées
d’éviter tout débordement.
    Contraint
à l’inaction, Gulussa s’en remit à Marcus Lucius Attilius pour lui procurer
quelques distractions et ce dernier lui fit rencontrer des courtisanes de sa
connaissance, flattées de prodiguer leurs faveurs au fils d’un roi. Il se
préoccupa surtout d’organiser dans le plus grand secret une rencontre entre le
prince et Publius Cornélius Scipion Corculum dont nous savions qu’il était
favorablement disposé envers Carthage. Cela n’alla pas sans difficulté car celui-ci
se trouvait en Campanie et n’avait guère envie de regagner Rome et son
atmosphère fétide. Fort heureusement, un procès y requit sa présence et mon ami
en profita pour présenter le fils de Masinissa au sénateur dont j’avais pu
apprécier les talents d’orateur lors de la réception de notre ambassade dans
l’enceinte de la curia Hostilia. De tous les Romains qu’il m’a été donné de
fréquenter, il est de loin celui qui me fit la plus forte impression. Son père,
Publius Cornélius Scipion Nasica, était un cousin de Scipion l’Africain, et il
avait terminé sa brillante carrière comme prince du Sénat. Son souvenir n’était
pas étranger à l’estime dont jouissait son fils. Hostile aux expéditions
guerrières réclamées par la plèbe et farouchement attaché aux privilèges de sa
caste, il aurait pu être détesté par la plupart de ses concitoyens. Mais les
plus démunis appréciaient ses largesses ainsi que son franc-parler et sa
simplicité. Il n’hésitait pas à se mêler à la foule rassemblée sur le forum et
écoutait patiemment les doléances des plus humbles en s’efforçant de trouver
une solution aux cas les plus

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