Hasdrubal, les bûchers de Mégara
dramatiques.
Il avait
un fils unique, Publius Cornélius Scipion Nasica Serapio, et avait élevé ce
dernier en compagnie de son cousin, Publius Cornélius Scipion Aemilianus dont
j’ignorais qu’il serait un jour mon geôlier. Ce dernier n’appartenait pas à la
gens Cornelia, à la famille des Scipions. Son grand-père n’était autre que le
consul Lucius Aemilianus Paullus, qui avait trouvé une mort héroïque à Cannes
en tentant de rassembler les légions mises en fuite par l’infanterie
carthaginoise et – ironie du sort – par la cavalerie
numide. Son père, Paullus Macedonicus, après avoir éliminé les pirates qui
écumaient les côtes de la Ligurie, avait défait Persée de Macédoine à la bataille
de Pydna, ce qui lui avait valu le surnom de Macedonicus et un triomphe dont
chacun se souvient encore. Or, durant cette guerre, Rome avait dû demander à
Carthage de lui fournir d’importantes quantités de blé et d’huile, ce que nous
avions fait sans rien exiger en retour. Ce geste, je le savais, n’était pas
étranger à l’amitié que nous portait Publius Cornélius Scipion Corculum et le
fils de Paullus Macedonicus ne pouvait l’ignorer. Il était entré dans la
famille des Scipions à la mort de son père, adopté par le fils de Scipion
l’Africain privé de descendance par son épouse stérile. C’était là une vieille
tradition romaine qui permettait à certaines lignées patriciennes de ne pas
disparaître.
Comme me
le rapporta Marcus Lucius Attilius, Publius Cornélius Scipion Corculum s’était
comporté avec Gulussa de manière amicale. Il lui avait fait comprendre qu’en
l’absence de la plupart des sénateurs l’heure n’était pas venue d’ouvrir des
négociations. Il en était désolé pour le jeune prince mais lui assura qu’il
trouverait en son fils et en son neveu de joyeux compagnons susceptibles de le
distraire. Mon vieux complice me fit rire quand il évoqua dans l’un de ses
courriers l’objection qu’avait cru bon de formuler Cornélius Scipion Nasica
Serapio :
— Père,
Gulussa va croire qu’il est tombé dans un traquenard. Après tout, il est venu
défendre ici les intérêts de son père. Or notre famille est connue pour avoir
condamné les agissements de Masinissa et pour être favorable à Carthage. Il
risque de se sentir mal à l’aise en la compagnie d’adversaires potentiels.
— Tu
raisonnes comme un sot, s’était-il entendu répondre. Êtes-vous assez stupides
pour croire que des désaccords sur des questions politiques sont un obstacle à
la naissance d’une amitié ? Quand vous aurez vidé quelques coupes de vin
de Sicile, vous ne penserez plus qu’à vous raconter vos bonnes fortunes auprès
des courtisanes et vous aurez oublié tout le reste. Bientôt, tu seras le
premier à rire de ta naïveté.
De fait,
les trois jeunes gens devinrent bientôt inséparables et Marcus Lucius Attilius
leur fournit les fonds nécessaires pour mener grand train de vie. Bientôt, la
ville commenta avec passion les multiples frasques de ces gamins bien décidés à
profiter de tous les plaisirs de la vie. Le jeune prince numide se lia tout
particulièrement avec Publius Cornélius Scipion Aemilianus dont il appréciait
l’humour corrosif et cette amitié redoubla lorsque celui-ci lui présenta une
jeune Carthaginoise d’une beauté à couper le souffle. Elle était la fille de
l’un des otages livrés par la cité d’Elissa à Rome après la défaite de Zama
pour garantir le versement de l’indemnité de guerre. Ses parents, issus d’une
bonne lignée aristocratique, étaient morts durant leur semi-captivité et
l’orpheline, née à Rome, avait été élevée dans la demeure de Scipion l’Africain
qui avait recommandé à son fils de la traiter avec tous les égards dus à son
rang.
Dès qu’il
la vit, Gulussa en tomba éperdument amoureux. Arishat – tel était son
nom, ce qui me fit sourire – était, au dire de mon informateur,
ravissante. Petite, le teint mat, les yeux d’un noir accentuant son air
mystérieux ; elle avait un corps splendide. Ses robes laissaient entrevoir
des seins fermes et arrondis et, lorsqu’elle marchait, sa croupe ondulait de
manière provocante. Le jeune prince lui fit une cour assidue. En vain car elle
repoussa ses avances sèchement. Furieux, il menaça de l’enlever mais ses amis
lui déconseillèrent ce procédé dont les Romains avaient pourtant jadis usé avec
les Sabines. En riant, ils
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