Hasdrubal, les bûchers de Mégara
lui expliquèrent que la jeune femme, secrètement
flattée de l’attention dont elle était l’objet, avait décidé de le mettre à
l’épreuve pour s’assurer de la sincérité de ses sentiments. Elle finirait bien
par céder quand elle jugerait le moment opportun.
Bien entendu,
Marcus Lucius Attilius avait approché la jeune fille. Prenant des risques
considérables, il lui avait révélé son rôle exact. Elle avait paru tout d’abord
surprise et méfiante. Fort heureusement, l’un de ses oncles demeuré à Carthage
était un ami de mon père. Mis dans la confidence, il écrivit à sa nièce une
lettre l’adjurant, en termes soigneusement pesés, de ne point oublier son
origine et d’obéir aux consignes que lui donnerait notre informateur. Ravie
d’avoir pu renouer avec les siens, Arishat remplit parfaitement son rôle. Un
soir, elle consentit à partager le repas des jeunes gens et, après son départ,
une esclave vint prévenir Gulussa que sa maîtresse l’attendait dans ses
appartements. Quand ils furent en présence l’un de l’autre, ils n’eurent pas
besoin d’échanger un mot. Le prince la renversa sur sa couche et sa compagne
lui prodigua des caresses subtiles avant de le laisser la pénétrer.
Tard dans
la nuit, épuisés par leurs joutes amoureuses, ils échangèrent leurs premières
confidences. Arishat expliqua à son compagnon les raisons de son comportement.
Dès leur première rencontre, elle avait été séduite par sa prestance mais elle
avait défailli en apprenant qu’il était le fils du plus farouche ennemi de
Carthage. Puis elle avait dû se rendre à l’évidence : elle désirait de
toutes ses forces le jeune prince et, après bien des hésitations, avait décidé
de passer outre à ses scrupules. Les deux amants devinrent bien vite
inséparables, ce qui alimenta les conversations des matrones romaines.
À la fin
de la belle saison, les sénateurs, les consuls et les principaux magistrats
regagnèrent la ville et la vie reprit son cours normal. Plusieurs messagers
furent dépêchés par Masinissa auprès de son fils afin de s’enquérir des progrès
de ses démarches. À son grand déplaisir, il dut s’acquitter de ses devoirs
d’ambassadeur. Chaque jour, il se rendait à la curia Hostilia pour rencontrer
les Pères conscrits les plus en vue et plaider auprès d’eux la cause de son
père. Sans grand succès. Les Scipions lui conseillaient la patience et lui
expliquaient que la possession des Grandes Plaines n’ajoutait rien à la
grandeur des Numides d’autant que, médiocres agriculteurs, ils n’exploiteraient
pas les propriétés des riches aristocrates puniques. Les autres sénateurs,
hormis les partisans de Marcus Porcius Caton, se contentaient de lui prodiguer
de bonnes paroles mais s’efforçaient de faire dévier la conversation sur
d’autres sujets moins épineux. Certes, ils condamnaient l’embuscade que nous
avions tendue aux fils du roi mais ils ne souhaitaient pas le déclenchement
d’un conflit. En fait, par l’intermédiaire de leurs hommes d’affaires, ils
retiraient d’énormes bénéfices du commerce avec notre cité et n’entendaient pas
perdre cette source de revenus.
Gulussa
dut écrire à son père qu’une intervention de Rome était fortement improbable
mais qu’il se ferait un devoir de rester sur les bords du Tibre pour veiller à
leurs intérêts. Conseillés, je pense, par Marcus Porcius Caton, Micipsa et
Astanabal convainquirent Masinissa qu’il ne pouvait tolérer plus longtemps
pareille atteinte à sa dignité. Il s’était montré un allié loyal des Fils de la
Louve et ceux-ci le récompensaient bien mal de ses services. Aussi devait-il
prendre les devants et mener une opération de représailles contre les garnisons
carthaginoises isolées afin de venger l’affront qui lui avait été fait. Un
matin, Gulussa fut convoqué par Marcus Porcius Caton qui lui annonça que les
troupes numides avaient franchi la frontière et s’étaient emparées de plusieurs
villes puniques, trop heureuses d’acheter leur salut par le paiement d’un lourd
tribut. Sa place était désormais aux côtés de ses frères et une trirème
l’attendait dans le port d’Ostie pour le reconduire en Afrique. Le jeune prince
eut beau expliquer que rien ne pressait, son interlocuteur avait réponse à
chacune de ses objections. Pour gagner du temps, il prétexta qu’il ne pouvait
quitter Rome sans prendre congé, par une fête grandiose dont
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