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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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été
officiellement déclarée avec Rome, il sollicita des consuls la prorogation de
l’état de paix pour une période de trente jours. Cela lui fut refusé mais cette
décision, loin de l’abattre, décupla son énergie. Dans les arsenaux militaires,
les ouvriers travaillèrent jour et nuit pour fabriquer des armes. Les temples
et les principaux édifices publics furent transformés en ateliers et les
artisans ainsi que tous les hommes exemptés de service actif y furent employés.
Ces efforts portèrent leurs fruits. Chaque jour, Carthage produisait cent
quarante boucliers, trois cents épées, cinq cents lances et mille traits de
catapultes. Les charpentiers furent réquisitionnés pour construire de nouvelles
machines de guerre. Quand l’on vint à manquer de cordages pour les catapultes,
les femmes du peuple furent les premières à offrir leur chevelure et les
épouses de nos aristocrates durent les imiter. Celles qui sortaient dans la rue
sans avoir la tête rasée étaient en effet l’objet de la moquerie générale et
rares furent celles qui se dérobèrent à ce sacrifice.
    Quant à
moi, je reçus l’ordre de rassembler tout le grain et le bétail disponible et de
les envoyer à Carthage pour constituer des stocks en vue d’un long siège. Avec
mes hommes, nous parcourûmes la campagne autour d’Hadrim et la région du Beau
Promontoire procédant aux réquisitions chez les petits fermiers et les grands
colons. Chaque jour, des convois partaient sous bonne escorte pour la cité
d’Elissa. Avec mon fidèle adjoint Bodeshmoun, je m’aventurais même dans les
régions occupées par les Numides pour acheter le contenu de leurs greniers, des
milliers de chevaux et tout leur cheptel. J’avais pris soin de me munir de
beaucoup d’argent et de payer les marchandises bien au-dessus de leur cours
habituel.
    Cette opération
fut un véritable succès. Par mes agents, j’appris que les consuls
connaissaient, eux, de graves difficultés de ravitaillement. Seules, Utique et
quelques villes puniques du littoral leur vendaient du grain, du fourrage et
des bestiaux. Quand ils apprirent qu’ils ne pourraient rien obtenir des Numides
dont j’avais acheté la production de l’année et les réserves, ils crurent que
Masinissa leur avait joué un tour à sa manière. Ils envoyèrent auprès du vieux
roi une ambassade composée d’officiers inexpérimentés qui se comportèrent comme
si le souverain était un sujet de Rome. Ils lui parlèrent si durement que son
plus jeune fils, Gulussa, furieux de leur insolence, tira son glaive contre
eux. Il fallut séparer à grand-peine les protagonistes et les envoyés des
consuls repartirent les mains vides pour Utique où on leur tint grief de leur
conduite irresponsable.
    Mon vieil
ami Marcus Lucius Attilius se trouvait alors à Cirta et il me fit prévenir de
cet incident, m’offrant de rencontrer, si je le souhaitais, Gulussa. Notre
entrevue se déroula non loin d’Oroscopa, dans la propriété d’un aristocrate
punique en fuite. Encore aujourd’hui, il m’est difficile d’évoquer cet épisode
car il décida du reste de la guerre. Et, je dois l’avouer, ma conduite fut à
l’origine de l’échec de ces pourparlers qui, s’ils avaient abouti, auraient
permis à la cité d’Elissa de rejeter les Romains à la mer. Tout, pourtant,
semblait se présenter sous les meilleurs auspices. Le frère de Micipsa et de
Mastanabal m’accueillit chaleureusement et me parla fort librement :
    — Hasdrubal,
je suis heureux de te retrouver. Je sais que ce lieu te rappelle de mauvais
souvenirs. C’est là que tes hommes furent massacrés après s’être rendus à mon
père. Avec mes frères, nous avions décidé de trahir la parole que Masinissa
t’avait donnée car nous voulions nous venger de l’affront que tu nous avais
fait subir au pont sur le Bagradas. J’ose toutefois espérer que tu es assez
intelligent pour tirer un trait sur le passé et pour envisager une
réconciliation entre nos deux peuples.
    — Je
te remercie de ta franchise. À vrai dire, je ne t’ai jamais tenu rigueur de ce
massacre pour une raison qui te surprendra. Bien que tu en aies été
l’instigateur, tu n’en portes pas la responsabilité. Tu as été l’instrument de
la juste vengeance des dieux à mon encontre. Ils voulaient me punir d’un
abominable forfait dont je m’étais rendu coupable dans ma jeunesse. Vois-tu,
lorsque je fus nommé officier et que je pris mes fonctions à

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