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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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remords et de pouvoir, certains soirs, trouver le
sommeil. Il n’empêche : ma légèreté n’a pas peu contribué à notre défaite.
    En cette
circonstance, comme en bien d’autres, j’ai fait passer mon intérêt personnel
avant celui de Carthage, me comportant très exactement de la même manière que
tous ces aristocrates puniques auxquels je reprochais de ne pas faire le
sacrifice de leurs richesses pour contribuer à la défense de leur patrie. Ils
agissaient par cupidité alors que j’étais mû par la passion qui est toujours
mauvaise conseillère. Quoi qu’il m’en coûte, en parler me délivre d’un lourd
fardeau et ceux qui liront plus tard ces Mémoires sauront que je n’ai pas
cherché à dissimuler l’ampleur de ma faute. Toutefois, j’avais, depuis mes
jeunes années, essuyé tant d’humiliations de la part du Conseil des Cent Quatre
et de mes compatriotes que cela constituait à mes yeux une sorte de vengeance
bénigne. Après tout, en dépit des lourdes responsabilités qui étaient les
miennes, j’avais le droit d’être heureux et j’ai puisé auprès d’Arishat
l’énergie nécessaire pour pouvoir, durant de longs mois, me battre comme un
lion. Qu’aurais-je fait si, dans le cas contraire, rentrant du combat, j’avais
eu pour seule consolation de retrouver Imilké et la morgue dont elle faisait
preuve envers moi ?
    Il me
fallut expliquer à Mutumbaal les raisons de l’échec de mes négociations avec
Gulussa. J’étais décidé à lui dire toute la vérité car je savais que, tôt ou
tard, mes rivaux la lui apprendraient. Je lui écrivis une longue lettre pour
justifier ma conduite et solliciter son indulgence. Un soir, j’eus la surprise
de le voir pénétrer dans notre campement à la tête d’une forte escorte.
Officiellement, il était en tournée d’inspection. Officieusement, il souhaitait
avoir une longue discussion avec moi. Je le reçus sous ma tente, à l’abri des
oreilles indiscrètes, et nous passâmes toute la nuit à parler. J’avoue avoir
été surpris par la modération de ses propos :
    — Hasdrubal,
sache que ma première réaction fut de te maudire. Tu as succombé aux plaisirs
de la chair et tu nous as privés de la sorte de l’appui des Numides. D’autres
que moi auraient considéré qu’il s’agissait d’un cas de haute trahison et te
l’auraient fait chèrement payer. Je n’aime pas rester sur mes premières
impressions et j’ai longuement réfléchi aux conséquences de ton geste. D’une
part, rien ne nous autorisait à penser que cette alliance durerait tout le
temps de la guerre. Masinissa ne tardera pas à mourir et même si Gulussa se
rangeait à nos côtés, ses frères, Micipsa et Mastanabal, furieux de l’appui que
nous aurions apporté à leur cadet, auraient choisi de s’allier aux Romains et
auraient entraîné à leur suite une partie appréciable de leurs sujets. Quoi
qu’il en soit, et même si tous les Numides avaient pris notre parti, leur
concours nous aurait plus gênés qu’aidés. D’une part, pressentant l’heureuse
issue du conflit, nos concitoyens auraient relâché leurs efforts et beaucoup
auraient déserté les rangs de notre armée, estimant qu’il était indigne d’eux
de combattre. Ils auraient renoué avec leur funeste habitude de confier la
défense de notre ville à des mercenaires étrangers. D’autre part, le germe de
la discorde se serait introduit dans nos murs. Itherbaal et tous les membres de
la faction pro-numide auraient tenté de profiter de leurs liens avec Masinissa
pour affaiblir ma position au sein du Conseil des Cent Quatre. Ils sont
suffisamment fourbes pour vouloir faire croire à nos compatriotes que c’est à
eux et non à toi qu’on devait ce miraculeux retournement de situation.
    Désormais,
les choses sont claires. Nous sommes seuls contre tous et nous n’avons le choix
qu’entre vaincre ou périr. Rien de tel pour galvaniser les énergies. Sans le
savoir, tu as rendu un fier service à Carthage. Je suis venu te le dire car je
te sais dévoré par le remords et je ne veux pas que celui-ci soit préjudiciable
à l’accomplissement des tâches énormes qui t’attendent. Je te demande une seule
chose : fais en sorte de ne point trop t’afficher avec ta maîtresse. Je
n’ai rien contre elle et je suis sûr qu’elle te prodigue l’affection dont ta
femme te prive injustement. Toutefois, tes soldats n’ont pas la même chance.
Ils vivent loin de leurs épouses et

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