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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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créature superbe et, dès qu’elle
parut, je perdis la raison. Je sentis tous mes sens s’éveiller et je n’eus plus
dès lors qu’une seule idée en tête : la ravir à son amant. Durant le
banquet, couché sur mon lit de repos, j’eus bien du mal à dissimuler l’effet
qu’elle me produisait. Elle ne fut pas dupe de mon air gêné et m’examina
attentivement, me jaugeant comme un maquignon le fait avec un cheval. Elle ne
tarda pas à me lancer des regards langoureux qui constituaient des invites non
déguisées et m’adressa à plusieurs reprises la parole pour me questionner sur
Carthage. Je ne fus pas long à remarquer qu’elle faisait boire Gulussa plus qu’il
n’aurait fallu. Après plusieurs coupes de vin de Sicile, le jeune prince avait
la voix pâteuse et il sombra rapidement dans l’ivresse. On dut le reconduire
dans ses appartements et sa compagne présida la suite du banquet qui se
prolongea tard dans la nuit. Quand les invités se retirèrent, nous demeurâmes
seuls.
    Depuis des
mois, je n’avais pas approché une femme et ce n’était point Imilké, mon épouse
légitime, qui se montrait disposée à satisfaire mes désirs. Grisé moi aussi par
le vin, je m’approchai d’Arishat et elle n’esquissa aucune tentative de fuite.
Bien loin de me repousser, elle se donna à moi avec fougue. Ses mains étaient
douces et expertes et son corps parfumé appelait les baisers et les caresses.
Elle me rejoignit sous ma tente et nous nous dévêtîmes rapidement. Elle se
donna à moi et je la sentis onduler sous mon corps, poussant des cris de
plaisir et me lacérant le dos de ses ongles. Nous parvînmes au bonheur en même
temps et nous renouvelâmes l’expérience plusieurs fois. Nous restâmes longtemps
enlacés, nous murmurant des mots tendres. Je savais que je ne pourrais plus me
passer d’elle. Elle m’avait littéralement ensorcelé et je ne pouvais imaginer
vivre sans elle à l’avenir. Elle me confia qu’elle rêvait de retrouver la cité
de ses ancêtres et qu’elle n’était devenue la maîtresse de Gulussa que pour
avoir la possibilité de le suivre en Afrique. Aussi commis-je alors la folie de
l’enlever à son amant et de m’enfuir, tel un voleur, avec mon escorte en pleine
nuit, elle dissimulée sous un long manteau recouvrant son visage.
    Deux jours
après notre arrivée à Hadrim, un cavalier numide demanda à me voir. Il était
porteur d’un message de Gulussa : « Hasdrubal, j’avais cru
sincèrement à tes promesses et je me réjouissais de la réconciliation éclatante
de nos deux peuples. Tu m’as trahi de la manière la plus odieuse qui soit et ma
bien-aimée a fait de même. Vous appartenez à cette race maudite dont les
Romains ont raison de dire qu’elle est perfide et rusée. Je ne me fais aucune
illusion sur le sort que nous réserveront dans l’avenir les Fils de la Louve
mais, en voyant brûler Carthage, je tressaillirai d’aise en pensant que les
flammes ravageront ta demeure et tous ceux qui y habitent. Tu n’as plus aucune
compassion à attendre de moi. Dès demain, mes armées marcheront sur Utique pour
se joindre aux légions des consuls et nous porterons la désolation et la mort
dans les rues de votre ville. »
    Je mesure
combien ce geste fut criminel de ma part. Je tenais dans mes mains le salut de
Carthage et je pouvais aisément imaginer quels cris de joie auraient salué
l’annonce de la conclusion d’un traité entre le Conseil des Cent Quatre et
Masinissa. À coup sûr, les troupes du vieux roi nous auraient aidés à repousser
nos ennemis et nous auraient permis de gagner plus de cinquante ans de
tranquillité. Car les descendants de Romulus, furieux de leur échec, n’auraient
jamais renoncé à leur désir d’anéantir les deux dernières puissances bravant
encore leur autorité et tout me porte à penser qu’elle serait finalement parvenue
à ses fins. Depuis les débuts de ma captivité, en dépit des luttes internes
sanglantes qui opposent les patriciens aux plébéiens, j’ai pu constater que ces
maudits Romains ne cessent d’étendre leur domination sur l’ensemble du monde
connu et que la plupart des nations encore indépendantes recherchent leur
protection et se soumettent à leurs décisions. Je suis conscient toutefois que
j’accorde au caractère inéluctable de ce phénomène une importance exagérée dans
le seul dessein de me déculpabiliser. Cela me permet de n’être pas
perpétuellement rongé par le

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