Hasdrubal, les bûchers de Mégara
l’inaction de son collègue lui permettrait
de récolter pour lui seul les lauriers de la victoire. Ils avaient remarqué la
faiblesse de nos fortifications du côté de la Taenia. Contrairement à ce qu’il
m’avait promis, Hasdrubal l’étourneau avait omis de les faire surélever et de
les renforcer. Les Fils de la Louve agirent en deux temps. Tout d’abord, ils
comblèrent une partie du lac afin d’agrandir le périmètre de leurs
retranchements. Puis, ils construisirent de nuit deux énormes béliers,
dissimulés aux regards de nos gardes durant la journée. Composés de plusieurs
troncs d’arbre reliés entre eux et terminés par une énorme tête de fer
sculptée, ces deux formidables engins, poussés par des centaines d’hommes
abrités sous des auvents de bois, ouvrirent une large brèche dans notre
enceinte. Chaque nuit, des milliers d’hommes et de femmes réparaient les dégâts
causés par ces machines mais celles-ci, constamment déplacées, accomplissaient
en d’autres endroits leur sinistre besogne. Venu sur les lieux se rendre compte
de la situation, Mutumbaal comprit rapidement qu’il fallait mettre hors d’état
de nuire ces béliers. Regroupant tous les hommes disponibles, il ordonna une
sortie de nuit. Par milliers, mercenaires étrangers et fantassins carthaginois
sortirent de l’enceinte et les incendièrent. À peine avaient-ils réussi cet
exploit qu’ils entendirent un véritable tumulte sur leurs arrières.
Pour mener
à bien cette opération, mes compatriotes avaient dû laisser sous faible garde
certaines parties de la muraille, en particulier des brèches à peine
consolidées. Or c’est par elles que les unités tenues en réserve par Marcius
Censorinus tentaient maintenant de pénétrer dans la ville, se heurtant à une
résistance farouche des défenseurs. Un obscur officier, Bostar, avec une
centaine de mercenaires gaulois et une cinquantaine d’archers numides, repoussa
un ennemi dix fois supérieur en nombre. Il ordonna à ses hommes de se cacher
derrière des blocs de pierre effondrés ou des bâtiments en ruine. Quand les
légionnaires, après avoir escaladé les gravats, prenaient un court instant de
repos avant de poursuivre leur progression, ils étaient pris sous le tir des
archers et les survivants massacrés par nos fantassins. Bostar répéta cette
opération à plusieurs reprises, permettant à nos contingents stationnés à
Mégara de faire précipitamment mouvement vers la Taenia. Quand ils arrivèrent
enfin, ils prirent en tenailles avec les attaquants de la première vague les
Fils de la Louve. Saisis de panique, ceux-ci abandonnèrent leurs boucliers et
leurs équipements pour battre en retraite, massacrant ceux de leurs centurions
qui tentaient de rétablir un semblant d’ordre. D’autres, jetant leurs armes à
terre, se rendirent et furent conduits sous faible escorte à Carthage. Il ne
fut même pas nécessaire de leur lier les mains. Démoralisés par l’inexpérience
de leur chef, ils ne songeaient qu’à une chose : sauver leur vie.
Interrogés, ils expliquèrent qu’on leur avait assuré que notre cité, dépourvue
d’armes et de machines de guerre, pourrait être prise en quelques jours. Or ils
avaient pu constater que nous étions prêts à subir un long siège et
suffisamment bien équipés pour en sortir victorieux. Cela avait suffi à
convaincre les moins courageux d’entre eux de ne pas exposer inutilement leur
existence. Grièvement blessé au bras droit, Marcius Censorinus dut ordonner la
retraite. Il aurait péri avec ses hommes si Publius Cornélius Scipion
Aemilianus n’était pas venu à son secours avec un fort détachement de cavalerie
pour lui ouvrir un passage tout le long de la Taenia afin de lui permettre de
regagner son camp. Au petit matin, on releva sur le champ de bataille plus de
mille cadavres romains. Nos troupes n’avaient perdu que deux cents hommes et
elles furent follement acclamées par la foule quand elles regagnèrent leurs
casernes. A nouveau, Carthage connut une journée de liesse et la nouvelle de ce
succès ne tarda pas à se répandre, faisant affluer vers notre port des
centaines de mercenaires étrangers, bien décidés à se ranger du côté des
vainqueurs.
La saison
chaude commençait et, bientôt, le lac de Tunès exhala son odeur nauséabonde
d’eau croupie, porteuse de miasmes mortels. Soucieux d’éviter une épidémie, le
consul ordonna à ses navires de gagner la haute mer. Rares
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