Hasdrubal, les bûchers de Mégara
Carthage.
— Je
suppose que je n’ai pas d’autre choix que celui de m’incliner.
— En
effet.
Phaméas
quitta ma tente en proie à une violente colère. Sermonnée par mes soins,
Arishat lui battit froid à partir de ce jour et il en fut profondément meurtri.
Des semaines durant, il s’acquitta de ses fonctions comme si de rien n’était et
je crus naïvement que l’affaire était close. Sous prétexte de mettre entre lui
et ma maîtresse la distance nécessaire, il me demanda l’autorisation de partir
en expédition pour une longue période. Il avait l’intention, me dit-il,
d’attaquer les contingents romains isolés qui circulaient dans la campagne et
je ne fis pas obstacle à son projet. En fait, il profita de son absence pour
prendre secrètement contact avec Publius Cornélius Scipion Aemilianus. Un hasard
fortuit facilita leur rencontre. Un jour, en longeant une rivière, Phaméas
s’aperçut que le jeune tribun patrouillait sur l’autre berge. Les deux troupes
s’observèrent sans se décider à engager le combat. Finalement, le Romain,
accompagné d’un seul cavalier, se porta en avant et fit signe à son adversaire
qu’il souhaitait s’entretenir avec lui. Les deux hommes se rencontrèrent au
milieu du gué et le petit-fils de Scipion l’Africain, devançant les souhaits de
son vis-à-vis, fut le premier à parler :
— Phaméas,
tu es un valeureux guerrier et j’admire tes faits d’armes bien qu’ils aient
coûté fort cher à mes légions. Pour le moment, la chance t’a souri d’autant
que, je te l’avoue, nos consuls n’étaient pas à la hauteur de la mission qui
leur avait été confiée. Beaucoup de tes compatriotes sont faussement persuadés
qu’ils ont déjà gagné la guerre. Les choses ne sont pas aussi simples qu’il le
paraît. Vous ne pouvez compter que sur vos propres troupes et, peut-être, sur
l’arrivée de quelques centaines de mercenaires étrangers supplémentaires. C’est
bien peu à côté des renforts qui traverseront bientôt la grande mer. Nous
disposons d’assez de légions pour faire passer en Afrique plusieurs dizaines de
milliers d’hommes. Nous sommes patients, très patients. Un jour viendra où
Carthage finira par manquer de vivres. Nous donnerons alors l’assaut et nous
nous emparerons de votre ville. Sache que ses habitants n’ont aucune pitié à
attendre de nous. Ils seront massacrés ou réduits en esclavage pour avoir
refusé la proposition généreuse que nous avions faite : celle de rebâtir
leur cité à quatre-vingt-cinq stades de la mer. Il me serait pénible de savoir
que toi et les tiens finiriez vos jours comme esclaves au service d’une famille
romaine. Or, je puis t’en donner ma parole d’honneur, Rome traitera avec
générosité celles et ceux qui auront la sagesse de se rallier à elle. Ils
bénéficieront des garanties que nous avons accordées à vos compatriotes
d’Utique et d’Hadrim. Il ne tient qu’à toi d’être le principal magistrat de la
future Carthage.
— Tes
propos m’étonnent. Tu as reconnu toi-même que je suis la cause de la mort de
plusieurs centaines de tes soldats. Pourquoi m’épargnerais-tu ? A ta
place, je sais très bien ce que je ferais.
— Nous
n’avons rien contre toi et tes concitoyens. Ma famille, tu le sais, a toujours
été l’amie de votre cité et n’a jamais partagé la haine féroce que vous vouait
ce vieux fou de Marcus Porcius Caton. Pour des raisons de sécurité, nous ne
pouvons plus tolérer que Carthage demeure une puissance maritime menaçant nos
intérêts tout autour de la grande mer. Mais nous n’avons pas l’intention de
vous chasser d’Afrique, de vous interdire de parler votre langue et de
continuer à adorer vos dieux. Nous entendons vous traiter comme nous traitons
les villes grecques passées sous notre domination et qui n’ont pas à se
plaindre de leur sort. Tu le sais, plusieurs d’entre elles nous envoient leurs
meilleurs représentants et je compte au nombre de mes confidents un certain
Polybe que je soupçonne parfois d’être devenu plus romain que moi. Si tu
acceptes de passer de notre côté, je suis sûr que ton geste fera réfléchir
beaucoup de tes concitoyens et que leurs petits-enfants te béniront pour avoir
permis à leurs familles de conserver leur liberté.
— Ta
proposition est séduisante encore qu’elle ne me concerne pas. Mes parents sont
morts depuis longtemps et je n’ai pas de famille.
— Tu
n’es pas
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